Шодерло де Лакло Пьер - Опасные связи / Les liaisons dangereuses. Книга для чтения на французском языке стр 11.

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Cependant jarrive au village ; je vois de la rumeur ; je mavance ; jinterroge ; on me raconte le fait. Je fais venir le collecteur ; et, cédant à ma généreuse compassion, je paie noblement cinquante-six livres, pour lesquelles on réduisait cinq personnes à la paille et au désespoir. Après cette action si simple, vous nimaginez pas quel chœur de bénédictions retentit autour de moi de la part des assistants ! Quelles larmes de reconnaissance coulaient des yeux du vieux chef de cette famille, et embellissaient cette figure de patriarche, quun moment auparavant lempreinte farouche du désespoir rendait vraiment hideuse ! Jexaminais ce spectacle, lorsquun autre paysan, plus jeune, conduisant par la main une femme et deux enfants, et savançant vers moi à pas précipités, leur dit : « Tombons tous aux pieds de cette image de Dieu » ; et dans le même instant, jai été entouré de cette famille, prosternée à mes genoux. Javouerai ma faiblesse ; mes yeux se sont mouillés de larmes, et jai senti en moi un mouvement involontaire, mais délicieux. Je serais tenté de croire quil y a vraiment du plaisir à faire du bien et quaprès tout ce que nous appellons les gens vertueux, nont pas tant de mérite quon se plaît à nous le dire. Quoi quil en soit, jai trouvé juste de leur payer pour mon compte le plaisir quils venaient de me faire. Javais pris dix louis sur moi ; je les leur ai donnés. Ici ont recommencé les remerciements, mais ils navaient plus ce même degré de pathétique : le nécessaire avait produit le grand, le véritable effet ; le reste nétait quune simple expression de reconnaissance et détonnement pour des dons superflus.

Cependant, au milieu des bénédictions bavardes de cette famille, je ne ressemblais pas mal au héros dun drame, dans la scène du dénouement. Vous remarquerez que, dans cette foule, était surtout le fidèle espion. Mon but était rempli : je me dégageai deux tous, et regagnai le château. Tout calculé, je me félicite de mon invention. Cette femme vaut bien dix louis et layant payée davance, jaurai le droit den disposer à ma fantaisie, sans avoir de reproches à me faire.

Joubliais de vous dire que pour mettre tout à profit, jai demandé à ces bonnes gens de prier Dieu pour le succès de mes projets. Vous allez voir si déjà leurs prières nont pas été en partie exaucées. Mais on mavertit que le souper est servi, et il serait trop tard pour que cette lettre partît, si je ne la fermais quen me retirant. Ainsi, le reste à lordinaire prochain. Jen suis fâché ; car le reste est le meilleur. Adieu, ma belle amie. Vous me volez un moment du plaisir de la voir.

De, 20 août 17**.

Lettre XXII. La Présidente de Tourvel à Madame de Volanges

Vous serez sans doute bien aise, Madame, de connaître un trait de M. de Valmont, qui contraste beaucoup, ce me semble, avec tous ceux sous lesquels on vous la représenté. Il est si pénible de penser désavantageusement de qui que se soit, si fâcheux de ne trouver que des vices chez ceux qui auraient toutes les qualités nécessaires pour faire aimer la vertu ! Enfin vous aimez tant à user dindulgence, que cest vous obliger que de vous donner des motifs de revenir sur un jugement rigoureux. M. de Valmont me paraît fondé à espérer cette faveur, je dirais presque cette justice de votre part ; et voici sur quoi je le pense.

Il a fait ce matin une de ces courses qui pouvaient faire supposer quelque projet de sa part dans les environs, comme lidée vous en était venue ; idée que je maccuse davoir saisie peut-être avec trop de vivacité. Heureusement pour lui, et surtout heureusement pour nous, puisque cela nous sauve dêtre injustes, un de mes gens devait aller du même côté que lui[12] ; et cest par là que ma curiosité répréhensible, mais heureuse, a été satisfaite. Il nous a rapporté que M. de Valmont, ayant trouvé au village de une malheureuse famille dont on vendait les meubles, faute davoir pu payer les impositions, sétait empressé non seulement dacquitter sur-le-champ la dette de ces pauvres gens, mais même leur avait donné une somme dargent assez considérable. Mon domestique a été témoin de cette vertueuse action ; et il ma rapporté de plus que les paysans, causant entre eux et avec lui, avaient dit quun domestique, quils ont désigné, et que le mien croit être celui de M. de Valmont, avait pris hier des informations sur ceux des habitants du village qui pouvaient avoir besoin de secours. Si cela est ainsi, ce nest même plus seulement une compassion passagère, et que loccasion détermine : cest le projet formé de faire du bien ; cest la sollicitude de la bienfaisance ; cest la plus belle vertu des plus belles âmes ; mais, soit hasard ou projet, cest toujours une action honnête et louable, et dont le seul récit ma attendrie jusquaux larmes. Jajouterai de plus, et toujours par justice, que lorsque je lui ai parlé de cette action, de laquelle il ne disait mot, il a commencé par sen défendre, et a eu lair dy mettre si peu de valeur, lorsquil en est convenu, que sa modestie en doublait le mérite.

A présent, dites-moi, ma respectable amie, si M. de Valmont est en effet un libertin sans retour, sil nest que cela et se conduit ainsi, que restera-t-il aux gens honnêtes ? Quoi ! les méchants partageraient-ils avec les bons le plaisir sacré de la bienfaisance ? Dieu permettrait-il quune famille vertueuse reçut, de la main dun scélérat, des secours dont elle rendrait grâce à sa divine Providence ? et pourrait-il se plaire à entendre des bouches pures répandre leurs bénédictions sur un réprouvé ? Non. Jaime mieux croire que des erreurs, pour être longues, ne sont pas éternelles ; et je ne puis penser que celui qui fait du bien soit lennemi de la vertu. M. de Valmont nest peut-être quun exemple de plus du danger des liaisons. Je marrête à cette idée qui me plaît. Si, dune part, elle peut servir à le justifier dans votre esprit, de lautre, elle me rend de plus en plus précieuse lamitié tendre qui munit à vous pour la vie.

Jai lhonneur dêtre, Madame, etc.

P. S. Mme de Rosemonde et moi nous allons, dans linstant, voir aussi lhonnête et malheureuse famille, et joindre nos secours tardifs à ceux de M. de Valmont. Nous le mènerons avec nous. Nous donnerons au moins à ces bonnes gens le plaisir de revoir leur bienfaiteur ; cest, je crois, tout ce quil nous a laissé à faire.

De, ce 20 août 17**.

Lettre XXIII. Le Vicomte de Valmont à la Marquise de Merteuil

Nous en sommes restés à mon retour au château : je reprends mon récit.

Je neus que le temps de faire une courte toilette, et je me rendis au salon, où ma belle faisait de la tapisserie, tandis que le curé du lieu lisait la gazette à ma vieille tante. Jallai masseoir auprès du métier. Des regards, plus doux encore que de coutume, et presque caressants, me firent bientôt deviner que le domestique avait déjà rendu compte de sa mission. En effet, mon aimable curieuse ne put garder plus longtemps le secret quelle mavait dérobé ; et, sans crainte dinterrompre un vénérable pasteur dont le débit ressemblait pourtant à celui dun prône : « Jai bien aussi ma nouvelle à débiter, » dit-elle ; et tout de suite elle raconta mon aventure avec une exactitude qui faisait honneur à lintelligence de son historien. Vous jugez comme je déployai toute ma modestie : mais qui pourrait arrêter une femme qui fait, sans sen douter, léloge de ce quelle aime ? Je pris donc le parti de la laisser aller. On eût dit quelle prêchait le panégyrique dun saint. Pendant ce temps, jobservais, non sans espoir, tout ce que promettaient à lamour son regard animé, son geste devenu plus libre, et surtout ce son de voix qui, par son altération déjà sensible, trahissait lémotion de son cœur. A peine elle finissait de parler : « Venez, mon neveu, me dit Mme de Rosemonde ; venez que je vous embrasse. » Je sentis aussitôt que la jolie rêcheuse ne pourrait se défendre dêtre embrassée à son tour. Cependant elle voulut fuir ; mais elle fut bientôt dans mes bras ; et, loin davoir la force de résister, à peine lui restait-il celle de se soutenir. Plus jobserve cette femme, et plus elle me paraît désirable. Elle sempressa de retourner à son métier, et eut lair, pour tout le monde, de recommencer sa tapisserie ; mais moi, je maperçus bien que sa main tremblante ne lui permettait pas de continuer son ouvrage.

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