Vous perdrez votre poste si vous faites cela, dit Margaret à la bonne. Je le raconterai au duc.
Son futur est assuré, dit Maman avec précipitation en hochant la tête vers la bonne. Notre résidence peut toujours être plus étincelante.
La mère de Margaret ouvrit son réticule en brocart de velours et en sortit un pot. Maman enleva le couvercle et une senteur florale agréable se diffusa dans la pièce.
Ce parfum ne me calmera pas, dit Margaret.
Très chère, ce ne sont pas de vos émotions dont je me soucie.
Maman voleta dans la pièce, passant du lit à baldaquin à la méridienne.
Elle répandit quelque chose en chantonnant.
Margaret écarquilla les yeux.
Êtes-vous en train de répandre des pétales de rose ?
Je pensais que cétait évident, dit Maman. Mieux vaut rendre cela romantique, ma chère.
Cétait insensé.
Margaret lutta contre la tentation de hurler. Selon toute vraisemblance, cela lui vaudrait uniquement dêtre bâillonnée. En outre, cet étage était désert, et le bruit des festivités avait pratiquement causé des vibrations.
Elle pourrait peut-être retirer ces liens. Cétait peu probable, mais pour linstant, cétait son seul espoir.
Vous souhaitez quelle garde ses vêtements ? demanda la bonne.
La réponse est oui. De toute évidence, sexclama Margaret.
Une déchirure suffira, dit Maman.
Bien sûr.
La bonne déchira le corsage de la robe de bal de Margaret avec efficacité.
Vous nêtes pas obligée de faire cela, Maman, supplia Margaret. Ce plan ne marchera pas. Ce nest pas le bon moyen pour me marier. Et nous pourrions simplement partir. Personne ne le saura. Et je ferai davantage defforts je le promets.
Maman pinça les lèvres, puis marcha dun pas décidé vers Margaret.
Margaret reprit espoir.
Maman allait peut-être vraiment la libérer. Peut-être que tout se passerait bien.
Au lieu de cela, Maman retira les épingles des cheveux de Margaret. Elle retira un peigne de son réticule et lui lissa les cheveux.
Ses yeux séclairèrent, et elle pinça les joues de Margaret.
Beaucoup mieux. Vous avez lair très indécente, comme si lon venait de vous ravir.
Puis Maman se retourna et sortit de la pièce avec la bonne.
Margaret fut seule.
Elle avait toujours su que Maman était enthousiaste à lidée de la marier, mais elle navait pas réalisé quelle se résoudrait à cela. Naurait-elle pas dû sy attendre ? Maman navait-elle pas soudoyé quelquun pour lassister quand le marquis de Metcalfe avait ouvertement cherché une épouse ?
La gorge de Margaret se teinta de nausée.
Si seulement elle avait travaillé plus dur afin de trouver un mari cette saison. La prochaine fois que quelquun de même vaguement convenable montrerait le moindre intérêt pour elle, Margaret jurait de lépouser.
Elle naurait probablement même pas ma chance de le faire. Margaret serait perdue une fois quelle serait découverte dans le lit du duc.
Son cœur trembla, et elle étudia son nouvel environnement.
Du tissu vert foncé habillait les murs, comme sil avait été choisi pour sassortir avec lhabit de chasse du duc. De lourds meubles des siècles passés garnissaient la pièce. Des bustes royaux dempereurs romains étaient perchés sur la table. Clairement, la personne qui les y avait placés navait pas prévu que des femmes puissent être trainées dans cette pièce par leurs mères marieuses.
En matière de literie, celui-ci surpassait les autres par sa somptuosité. Les coussins possédaient une plaisante densité de plumes, et le cordage du sommier ne saffaissait pas de façon intolérable. La courtepointe était confortablement moelleuse, et aucune brise de soufflait à travers la fenêtre. Le duc avait le bon nombre doreillers, et sa literie était convenablement douce. Aucun doute, les nuages pourraient en prendre exemple.
Mais en dépit de la texture soyeuse, le cœur de Margaret tambourinait toujours, comme si elle était une criminelle en fuite, et pas allongée sur lun des lits les plus luxueux de Grande-Bretagne.
Margaret méprisait la danse, mais elle navait que peu denvie de passer toute la durée du bal ici. Elle songea avec envie à la nourriture alignée sur la table de banquet. Geneviève et Juliette se demanderaient probablement où elle était.
À un moment donné, le duc de Jevington entrerait dans la pièce, et tout se passerait horriblement.
Margaret continua à tirer sur ses liens.
Malheureusement, ils ne montrèrent aucun signe de faiblesse.
Chapitre Deux
Jasper Tierney, duc de Jevington, navait jamais estimé quil excellait à grand-chose. Ses aptitudes sportives étaient acceptables, même sil nait jamais compris lintérêt de risquer de se briser la nuque pour plonger après une balle en jouant au rugby. Ses compétences scolaires étaient pires. Harrow nincluait aucun cours qui décernait de bonnes notes pour laptitude de quelquun à faire rire ses camarades de classe, et Jasper manquait denthousiasme, à parts égales, pour décliner les mots latins et diviser les fractions.
Mais Jasper sétait trompé : il excellait à organiser des réjouissances.
Les réceptions de Jasper étaient réputées, et il se tenait sur la mezzanine tandis que ses invités dansaient et plaisantaient, buvaient et se réjouissaient. Des valets de pied transportaient des plats en argent dune main, sans se démonter face aux hommes et aux femmes qui affluaient autour deux. Une musique enjouée flottait dans la salle de bal, et les gens se balançaient joyeusement, formant les figures complexes habituelles avec gaieté.
Un an auparavant, Jasper les aurait rejoints, mais à présent, observer lui suffisait. Lorganisation dune réception était épuisante, et le souvenir quil garderait de cet événement ne serait pas rehaussé par un mal de tête dû au brandy.
Il tambourina les doigts contre la rampe de la mezzanine. Quelques jeunes femmes levèrent la tête vers lui, les cils papillonnants, et donnèrent des coups de coude à leurs voisines. Des diamants et des rubis scintillaient à leur gorge et leurs boucles savamment coiffées demeuraient impeccables. Jasper leur envoya son grand sourire coutumier. Il ne dut pas attendre longtemps avant quelles ouvrent leurs éventails. Ce rituel lui avait paru plus intéressant quand il était nouveau à Londres. Normalement, il descendrait et ferait leur connaissance, ou, comme dans la plupart des cas maintenant, la referait, mais un ennui étrange enlisait ses actions coutumières.
Cependant, il ne pouvait rester sur la mezzanine toute la nuit. Il descendit les escaliers et se mêla à la foule.
Lun de ses valets de pied sapprocha de lui.
Jai un message pour vous, Votre Grâce.
Les bals nétaient pas lendroit habituel pour recevoir de la correspondance, mais Jasper tendit la main.
Les épaules du valet se détendirent, et il se dépêcha de partir.
Jasper lut le message. Il ne reconnut pas lécriture et se dirigea dun bon pas vers le valet, le rejoignant rapidement.
Il me faut aller dans ma chambre ?
Je euh suppose, dit le domestique en détournant les yeux.
Qui vous a donné ceci ?
Est-ce important ?
La voix du valet tremblait, et il se recroquevilla avec un curieux air de culpabilité.
Jasper soupira. Le valet était nouveau, et même si Jasper sévertuait à ne pas intimider son personnel, son titre rendait le processus difficile.
Ne vous inquiétez pas, le rassura Jasper.
Sa curiosité était, après tout, bel et bien piquée. Une veuve avait-elle arrangé un tête-à-tête ? Plus probablement, un de ses amis avait envie de vanter les charmes de lune des jeunes femmes présentes et détablir une stratégie pour pouvoir gagner son cœur.