Elle s'attendait à ce qu'une gouvernante ou une assistante lui ouvre, entendit des talons hauts claquer, la porte s'ouvrit en grand quelques instants plus tard sur une femme d'une quarantaine d'années, à l'air autoritaire.
Elle mesurait quinze centimètres de plus que Cassie, grâce à une paire de magnifiques bottes en cuir bleu paon à talons. Ses cheveux bruns cascadaient joliment sur ses épaules. Elle portait un gros collier et des bracelets en or.
"Buongiorno," dit-elle d'un ton autoritaire. "C'est pour le poste de fille au pair ?"
"Bonjour. Oui, je m'appelle Cassie Vale. Je suis en avance. La personne m'avait dit quatorze heures trente mais je craignais d'être en retard."
Cassie s'empressa de se taire, la nervosité la faisait bafouiller.
La femme semblait satisfaite qu'elle soit en avance. Ses lèvres parfaitement maquillées esquissèrent un sourire.
"La ponctualité est la moindre des politesses. J'insiste sur ce point, pour moi et mes employés. Je vous remercie de votre courtoisie. Ottavia Rossi. Entrez, je vous prie."
Elle lui emboîta le pas, touchée à l'idée d'avoir fait bonne impression, cette femme l'intimidait.
Cassie remarqua de nombreux objets d'art très colorés dans l'immense entrée. Les tableaux aux couleurs vives, les vases et superbes tapis chatoyants, la maison ressemblait à une galerie d'art moderne, mais accueillante.
Un grand escalier de marbre blanc menait à l'étage.
Un stiletto rouge vif d'un mètre de haut, au design audacieux, trônait à droite de l'escalier.
Mme Rossi sourit devant le regard de Cassie.
“Notre modèle "Nina", grâce auquel Rossi Shoes a acquis une renommée internationale dans les années 70. Le design était très avant-gardiste pour l'époque, la couleur avait fait scandale—mais pas suffisamment pour dissuader les acheteurs."
"C'est magnifique," déclara Cassie.
Ottavia Rossi était à la tête de cette entreprise internationale fondée dans les années 70, probablement une entreprise familiale pérenne.
Mme Rossi monta l'escalier et prit un couloir. Cassie se pencha et aperçut, sous un plafond voûté, un grand salon moderne et une cuisine étincelante où s'affairait une cuisinière.
Le couloir donnait sur une porte fermée. Elle l'ouvrit et fit entrer Cassie.
Cette pièce élégante était le bureau de Mme Rossi. Elle s'assit à la table blanche incurvée et fit signe à Cassie de s'installer en face.
Cassie se rendit soudainement compte qu'elle était arrivée les mains vides. Elle n'avait pas préparé de CV, imprimé ses coordonnées ni fait de photocopie de son passeport et son permis de conduire. Elle les lui demanderait certainement. Cassie était pétrifiée, elle avait complètement oublié.
"Je suis sincèrement désolée. Je suis arrivée en Italie depuis peu et n'ai pas encore mis mon CV à jour. Cette offre d'emploi était inespérée, je suis venue afin d'en savoir plus."
À son grand soulagement, Mme Rossi opina du chef.
"Je comprends. Je voyageais énormément à vingt ans—c'est bien votre âge, je me trompe ?"
Cassie acquiesça. "Oui. Je peux vous montrer mon passeport si vous voulez."
"S'il vous plaît."
Mme Rossi feuilleta brièvement le passeport et le rendit à Cassie.
"J'aimerais avoir un résumé de vos précédents postes."
Cassie était au plus mal, elle ne pouvait fournir aucune référence pour les postes qu'elle prétendait avoir exercé en Europe. Son premier patron, inculpé de meurtre, ne risquait pas de lui faire de la publicité— Cassie était persuadée qu'il essaierait de lui faire porter le chapeau, insisterait sur le fait d'avoir été accusé à tort.
Son deuxième employeur était mort assassiné, alors que Cassie était à son service. Personne dans cette famille ne lui donnerait de références. Ce n'était pas un désastre, mais une catastrophe.
CHAPITRE SIX
Cassie prit place en silence, elle cogitait à toute allure. Elle savait que Mme Rossi s'attendait à ce qu'elle se présente, que toute hésitation soulèverait des questions, mais ne savait quoi dire.
Le mot "meurtre" découragerait tout employeur potentiel. Quelles que soient les circonstances, ils décideraient que le jeu n'en valait pas la chandelle.
Cassie ne pouvait pas leur en vouloir. Elle se demandait si elle portait la poisse—ou si ses décisions n'étaient pas la cause de ces terribles accidents.
Sa seule chance était de passer sous silence sa récente expérience et se concentrer sur son travail aux États-Unis.
Elle s'éclaircit la gorge et se lança.
"Je suis partie de chez moi à l'âge seize ans et suis entrée à l'université, je travaillais en tant que serveuse."
Elle ne s'étendit pas sur les raisons de son départ, elle espérait que son indépendance et son autonomie impressionnerait Mme Rossi. À son grand soulagement, la chef d'entreprise opina du chef.
"J'ai donné des cours pendant cette période, j'aidais de jeunes enfants dans leurs études, j'ai travaillé dans une crèche un temps, un remplacement de congé maternité. J'ai mon permis de travail en règle, je peux vous le montrer sur mon téléphone. J'ai une lettre de recommandation du restaurant dans lequel j'ai travaillé deux ans, je suis fiable, assidue et fais tout pour satisfaire le client."
Ces documents faisaient partie de sa première candidature en tant que fille au pair, elle avait heureusement gardé des traces. Son job au restaurant n'était pas très significatif mais constituait sa seule véritable référence.
"Excellent," déclara Mme Rossi.
“J'ai beaucoup voyagé depuis mon arrivée en Europe. J'ai travaillé au pair pour une famille à Paris. Les enfants ont déménagé dans le sud de la France, je suis retournée au Royaume-Uni en décembre."
Cassie avait chaud. Son expérience était lacunaire. Mme Rossi découvrirait rapidement que Cassie ne lui avait pas dit toute la vérité si elle lui posait des questions. A sa grande surprise, la femme d'affaires parut satisfaite, et prit la parole.
"Je vais vous expliquer ma situation. J'ai divorcé il y a quelques mois, j'ai travaillé chez moi un certain temps mais la croissance de l'entreprise ne le permet plus. Nous avons conquis de nouvelles parts de marché et racheté d'autres marques. Cette croissance, bien que prévue, s'est subitement accélérée. Ma mère va s'installer ici pour s'occuper des enfants, mais elle a besoin de temps pour se préparer et faire ses valises. J'aurai besoin de vous pendant trois mois, logée, bien entendu. Les enfants sont sages, nous avons une cuisinière et un chauffeur, la charge ne sera pas trop importante."
Cassie déglutit.
"Pourriez-vous me parler des enfants, s'il vous plaît ?"
"Deux filles, huit et neuf ans. Nina est l'aînée, Venetia la benjamine. Des enfants sages."
Mme Rossi n'avait pas grand-chose à ajouter, Cassie prit son courage à deux mains.
"Je pourrais peut-être les rencontrer ? Voir si on s'entend bien, avant que je prenne ma décision ?"
Mme Rossi trouverait peut-être sa demande déplacée, elle soutenait que ses filles étaient bien élevées.
La femme d'affaires acquiesça.
"Bien sûr. Elles doivent être rentrées de l'école. Suivez-moi."
Elle se leva, Cassie lui emboîta le pas.
Cassie était impressionnée par son caractère autoritaire. Elle n'en serait jamais capable, si telle était la qualité requise pour diriger une multinationale prospère. Même pour tout l'or du monde. Elle n'avait pas la carrure pour, n'aurait jamais l'étoffe nécessaire.
Mme Rossi semblait l'apprécier. Elle ne la détestait pas du moins, pas comme ses patrons français.
Elles montèrent l'escalier de marbre et parvinrent à l'étage. La maison, en forme de U, comportait deux ailes. Les chambres des enfants étaient situées à l'étage, dans l'aile droite.