Жид Андре - Les Faux-monnayeurs / Фальшивомонетчики. Книга для чтения на французском языке стр 11.

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Фон

– Dites un peu. Est-ce pour couvrir votre vie que vous imaginez de me proposer cela? Non, mon cher, non. Restons comme nous sommes. Amis, hein? et elle lui tendit une main qu’il baisa.


– Parbleu, j’en étais sûr, s’écria Vincent en entrant. Il s’est mis en habit, le traître.

– Oui, je lui avais promis de rester en veston pour ne pas faire honte au sien, dit Robert. Je vous demande bien pardon, cher ami, mais je me suis souvenu tout d’un coup que j’étais en deuil.

Vincent portait la tête haute; tout en lui respirait le triomphe, la joie. A son arrivée, Lilian avait bondi. Elle le dévisagea un instant, puis s’élança joyeusement sur Robert dont elle bourra le dos de coups de poing en sautant, dansant et criant (Lilian m’agace un peu lorsqu’elle fait ainsi l’enfant):

– Il a perdu son pari! Il a perdu son pari.

– Quel pari? demanda Vincent.

– Il avait parié que vous alliez de nouveau perdre. Allons! dites vite: gagné combien?

– J’ai eu le courage extraordinaire, la vertu, d’arrêter à cinquante mille, et de quitter le jeu là-dessus.

Lilian poussa un rugissement de plaisir.

– Bravo! Bravo! Bravo! criait-elle. Puis elle sauta au cou de Vincent, qui sentit tout le long de son corps la souplesse de ce corps brûlant à l’étrange parfum de santal, et Lilian l’embrassa sur le front, sur les joues, sur les lèvres. Vincent, en chancelant, se dégagea. Il sortit de sa poche une liasse de billets de banque.

– Tenez, reprenez votre avance, dit-il en en tendant cinq à Robert.

– C’est à Lady Lilian que vous les devez à présent.

Robert lui passa les billets, qu’elle jeta sur le divan. Elle était haletante. Elle alla jusqu’à la terrasse pour respirer. C’était l’heure douteuse où s’achève la nuit, et où le diable fait ses comptes. Dehors, on n’entendait pas un bruit. Vincent s’était assis sur le divan. Lilian se retourna vers lui, et, pour la première fois, le tutoyant:

– Et maintenant, qu’est-ce que tu vas faire?

Il prit sa tête dans ses mains et dit dans une sorte de sanglot:

– Je ne sais plus.

Lilian s’approcha de lui et posa sa main sur son front qu’il releva; ses yeux étaient secs et ardents.

– En attendant, nous allons trinquer tous les trois, dit-elle, et elle remplit de tokay les trois verres.

Après qu’ils eurent bu:

– Maintenant, quittez-moi. Il est tard, et je n’en puis plus. Elle les accompagna vers l’antichambre, puis, comme Robert passait devant, glissa dans la main de Vincent un petit objet de métal et chuchota:

– Sors avec lui, tu reviendras dans un quart d’heure.

Dans l’antichambre sommeillait un laquais, qu’elle secoua par le bras.

– Éclairez ces messieurs jusqu’en bas.

L’escalier était sombre, où il eût été simple, sans doute, de faire jouer l’éleftricité; mais Lilian tenait à ce qu’un domestique, toujours, vît sortir ses hôtes.

Le laquais alluma les bougies d’un grand candélabre qu’il tint haut devant lui, précédant Robert et Vincent dans l’escalier. L’auto de Robert attendait devant la porte que le laquais referma sur eux.

– Je crois que je vais rentrer à pied. J’ai besoin de marcher un peu pour retrouver mon équilibre, dit Vincent, comme l’autre ouvrait la portière de l’auto et lui faisait signe de monter.

– Vous ne voulez vraiment pas que je vous raccompagne? Brusquement, Robert saisit la main gauche de Vincent, que celui-ci tenait fermée. – Ouvrez la main! Allons! montrez ce que vous avez là.

Vincent avait cette naïveté de craindre la jalousie de Robert. Il rougit en desserrant les doigts. Une petite clef tomba sur le trottoir. Robert la ramassa tout aussitôt, la regarda; en riant, la rendit à Vincent.

– Parbleu! fit-il; et il haussa les épaules. Puis, entrant dans l’auto, il se pencha en arrière, vers Vincent qui demeurait penaud:

– C’est jeudi. Dites à votre frère que je l’attends ce soir dès quatre heures – et vite il referma la portière, sans laisser à Vincent le temps de répliquer.

L’auto partit. Vincent fit quelques pas sur le quai, traversa la Seine, gagna cette partie des Tuileries qui se trouve en dehors des grilles, s’approcha d’un petit bassin et trempa dans l’eau son mouchoir qu’il appliqua sur son front et ses tempes. Puis, lentement, il revint vers la demeure de Lilian. Laissons-le, tandis que le diable amusé le regarde glisser sans bruit la petite clef dans la serrure…

C’est l’heure où, dans une triste chambre d’hôtel, Laura, sa maîtresse d’hier, après avoir longtemps pleuré, longtemps gémi, va s’endormir. Sur le pont du navire qui le ramène en France, Edouard, à la première clarté de l’aube, relit la lettre qu’il a reçue d’elle, lettre plaintive et où elle appelle au secours. Déjà, la douce rive de son pays natal est en vue, mais, à travers la brume, il faut un oeil exercé pour la voir. Pas un nuage au ciel, où le regard de Dieu va sourire. La paupière de l’horizon rougissant déjà se soulève. Comme il va faire chaud dans Paris! Il est temps de retrouver Bernard. Voici que dans le lit d’Olivier il s’éveille.

VI

We are ail bastards;
And that most vénérable man which
I Did call my father, was I know not where
When I was Stamp’d.
SHAKESPEARE

Bernard a fait un rêve absurde. Il ne se souvient pas de ce qu’il a rêvé. Il ne cherche pas à se souvenir de son rêve, mais à en sortir. Il rentre dans le monde réel pour sentir le corps d’Olivier peser lourdement contre lui. Son ami, pendant leur sommeil, ou du moins pendant le sommeil de Bernard, s’était rapproché, et du reste l’étroitesse du lit ne permet pas beaucoup de distance; il s’était retourné; à présent, il dort sur le flanc et Bernard sent son souffle chaud chatouiller son cou. Bernard n’a qu’une courte chemise de jour; en travers de son corps, un bras d’Olivier opprime indiscrètement sa chair. Bernard doute un instant si son ami dort vraiment. Doucement il se dégage. Sans éveiller Olivier, il se lève, se rhabille et revient s’étendre sur le lit. Il est encore trop tôt pour partir. Quatre heures, la nuit commence à peine à pâlir. Encore une heure de repos, d’élan pour commencer vaillamment la journée. Mais c’en est fait du sommeil. Bernard contemple la vitre bleuissante, les murs gris de la petite pièce, le lit de fer où Georges s’agite en rêvant.

– Dans un instant, se dit-il, j’irai vers mon destin. Quel beau mot: l’aventure! Ce qui doit advenir. Tout le surprenant qui m’attend. Je ne sais pas si d’autres sont comme moi, mais dès que je suis réveillé, j’aime à mépriser ceux qui dorment. Olivier, mon ami, je partirai sans ton adieu. Houst! Debout, valeureux Bernard! Il est temps.

Il frotte son visage d’un coin de serviette trempée; se recoiffe; se rechausse. Il ouvre la porte, sans bruit. Dehors!

Ah! que paraît salubre à tout l’être l’air qui n’a pas encore été respiré! Bernard suit la grille du Luxembourg; il descend la rue Bonaparte, gagne les quais, traverse la Seine. Il songe à sa nouvelle règle de vie, dont il a trouvé depuis peu la formule: “Si tu ne fais pas cela, qui le fera? Si tu ne le fais pas aussitôt, quand sera-ce?” – Il songe: “De grandes choses à faire”; il lui semble qu’il va vers elles. “De grandes choses”, se répète-t-il en marchant. Si seulement il savait lesquelles!.. En attendant, il sait qu’il a faim: le voici près des Halles. Il a quatorze sous dans sa poche, pas un liard de plus. Il entre dans un bar; prend un croissant et un café au lait sur le zinc. Coût: dix sous. Il lui en reste quatre; crânement, il en abandonne deux sur le comptoir, tend les deux autres à un va-nu-pieds qui fouille une boîte à ordures. Charité? Défi? Peu importe. À présent, il se sent heureux comme un roi. Il n’a plus rien: tout est à lui! – J’attends tout de la Providence, songe-t-il. Si seulement elle consent vers midi à servir devant moi quelque beau rosbif saignant, je composerai bien avec elle (car hier soir, il n’a pas dîné). Le soleil s’est levé depuis longtemps. Bernard rejoint le quai. Il se sent léger; s’il court, il lui semble qu’il vole. Dans son cerveau bondit voluptueusement sa pensée. Il pense:

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