“Et Ceres ?” demanda un des gardes. “Est-elle morte ?”
Stephania plissa les yeux en entendant cette question parce que c'était la seule partie de ce plan qui l'irritait.
“Pas encore.”
Il fallait qu'ils tiennent le château jusqu'à ce que l'invasion prenne fin ou jusqu'à ce que les rebelles trouvent un moyen ou un autre de la repousser. A ce stade, ils auraient peut-être besoin de Ceres comme élément de marchandage, ou peut-être même comme un simple cadeau permettant aux Cinq Pierres de Felldust d'afficher leur victoire. Sa présence au château pourrait même y attirer Thanos, ce qui permettrait à Stephania de perpétrer toutes ses vengeances d'un seul coup.
Pour l'instant, cela signifiait que Ceres devait rester en vie mais qu'elle pouvait quand même souffrir.
Et elle allait souffrir.
CHAPITRE CINQ
Ceres flottait au-dessus d'îles de pierre lisse d'une beauté si exquise qu'elle voulait presque pleurer. Elle reconnut le travail des Anciens et se mit immédiatement à penser à sa mère.
Alors, Ceres la vit quelque part devant elle, encore enrobée de brume. Ceres courut vers elle et la vit se retourner, mais elle semblait ne pas encore courir assez vite pour la rattraper.
A présent, un vide les séparait et Ceres bondit en tendant la main. Elle vit sa mère tendre la main vers elle et, seulement l'espace d'un instant, Ceres crut que Lycine allait l'attraper. Leurs doigts s'effleurèrent puis Ceres se mit à tomber.
Elle tomba au milieu d'une bataille, entourée de silhouettes qui se débattaient. Les morts étaient là et, en apparence, leur mort ne les empêchait pas de se battre. Lord West se battait à côté d'Anka, Rexus à côté de cent hommes que Ceres avait tués dans tout autant de combats différents. Ils étaient tous autour de Ceres, en train de se battre l'un contre l'autre, en train de se battre contre le monde entier …
Le Dernier Souffle était là, devant elle, et l'ex-seigneur de guerre était aussi sombre et terrifiant qu'il l'avait jamais été. Ceres sauta par dessus le bâton à lames qu'il maniait et tendit le bras pour le pétrifier comme elle l'avait déjà fait.
Cette fois-ci, rien ne se produisit. Le Dernier Souffle la jeta à terre d'un coup de poing, se tint triomphant au-dessus d'elle mais, maintenant, il était Stephania qui, au lieu d'un bâton, tenait une bouteille dont les exhalaisons étaient encore acres dans les narines de Ceres.
Alors, elle se réveilla et la réalité ne fut pas préférable à ses rêves.
En se réveillant, elle sentit sous elle la pierre rude. L'espace d'un instant, elle crut que Stephania l'avait peut-être laissée sur le sol de sa chambre ou, pire encore, qu'elle se tenait peut-être encore au-dessus d'elle. Ceres virevolta en essayant de se relever et de continuer à se battre, mais, à ce moment, elle se rendit compte qu'elle n'avait pas de place où le faire.
Quand Ceres vit des murs de pierre de tous les côtés, elle dut se forcer à respirer lentement, à réprimer la panique qui menaçait de l'engloutir. Ce fut seulement quand elle leva les yeux et vit une grille en métal au-dessus d'elle qu'elle se rendit compte qu'elle était dans une fosse, pas enterrée vivante.
La fosse était tout juste assez large pour qu'elle s'y asseye. Il lui était certainement impossible de s'allonger de tout son long. Ceres tendit la main vers le haut, testa la solidité des barreaux de la grille qui se trouvait au-dessus d'elle puis invoqua ses pouvoirs pour trouver la force de les plier ou de les briser.
Rien n'arriva.
Alors, Ceres sentit la panique monter en elle. Elle essaya d'invoquer ses pouvoirs, de la faire doucement, se souvenant des changements que lui avait appris sa mère après qu'elle avait épuisé ses pouvoirs en essayant de prendre la cité.
D'une façon ou d'une autre, cela lui semblait être une situation similaire, et pourtant différente de beaucoup plus d'autres points de vue. Avant, ç'avait été comme si les canaux qui acheminaient le pouvoir avaient été brûlés jusqu'à ce qu'ils fassent assez mal pour ne plus pouvoir être utilisés, laissant Ceres complètement vidée.
Maintenant, elle avait l'impression qu'elle était simplement normale, même si cela lui semblait être moins que rien comparé à ce qu'elle avait été peu de temps auparavant. Elle n'avait aucun doute sur l'origine de son état : Stephania et son poison. Quelque part, d'une façon ou d'une autre, elle avait trouvé le moyen de priver Ceres des pouvoirs que son sang Ancien lui donnait.
Ceres sentait la différence entre le présent et ce qui s'était passé auparavant. Cela avait été comme une cécité subite : c'était trop et trop tôt et ça s'évanouissait lentement avec les soins appropriés. A présent, elle avait plutôt la sensation que des corbeaux lui avaient crevé les yeux à coup de bec.
Elle retendit quand même la main vers le haut pour saisir les barreaux en espérant qu'elle se trompait. Elle se força à essayer de les faire bouger en y mettant toute la force qu'elle put convoquer. Ils ne cédèrent pas le moins du monde, même quand Ceres leur tira dessus si fort que ses paumes saignèrent contre le métal.
Elle poussa un cri de surprise quand quelqu'un jeta de l'eau dans la fosse et qu'elle se retrouva trempée et recroquevillée contre la pierre du mur. Quand Stephania devint visible, se tenant au-dessus de la grille, Ceres essaya de la toiser avec défi mais, à ce moment-là, elle avait trop froid, était trop mouillée et trop faible pour pouvoir faire grand-chose.
“Donc, le poison a fonctionné”, dit Stephania sans préambule. “C'est normal, après tout. Je l'ai payé assez cher.”
Ceres la vit alors se toucher le ventre, mais Stephania reprit la parole avant que Ceres ait pu demander ce qu'elle voulait dire.
“Quelle impression cela fait-il de se voir retirer la seule chose qu'on avait de spécial ?” demanda Stephania.
C'est comme avoir su voler mais ne plus être que tout juste capable de ramper. Cependant, Ceres n'allait pas lui donner la satisfaction de le dire à voix haute.
“On n'en a pas déjà parlé, Stephania ?” demanda-t-elle. “Vous connaissez la fin de l'histoire. Je m'échappe et je vous donne ce que vous méritez.”
Alors, Stephania l'aspergea d'un autre seau d'eau et Ceres bondit vers les barreaux. Elle entendit rire Stephania alors qu'elle le faisait et cela ne fit qu'accroître sa colère. Peu lui importait de ne plus avoir de pouvoirs à ce moment-là. Elle avait quand même l'entraînement d'un seigneur de guerre et elle avait quand même tout ce qu'elle avait appris auprès du Peuple de la Forêt. Elle étranglerait Stephania à mains nues si nécessaire.
“Regarde-toi. Regarde l'animal que tu es”, dit Stephania.
Cela calma un peu Ceres, ne serait-ce que parce qu'elle refusait d'être ce que Stephania voulait qu'elle soit.
“Vous auriez dû me tuer quand vous en aviez l'occasion”, dit Ceres.
“Je le voulais”, répondit Stephania, “mais les événements ne nous donnent pas toujours ce que nous voulons. Regarde simplement comment ça s'est passé, pour toi et Thanos. Ou avec moi et Thanos. Après tout, c'est moi sa véritable épouse, non ?”
Ceres dut plaquer les mains contre la pierre des murailles pour s'empêcher de bondir vers Stephania une fois de plus.
“Je t'aurais tranché la gorge si je n'avais pas entendu des cors de guerre”, dit Stephania. “Et puis, je me suis rendu compte qu'il serait facile de reprendre le château. Donc, je l'ai fait.”
Ceres secoua la tête. Elle ne pouvait y croire.
“J'ai libéré le château.”
Elle avait fait plus que ça. Elle l'avait rempli de rebelles. Elle avait capturé ceux qui étaient du côté de l'Empire et elle les avait emprisonnés. Les autres, elle leur avait donné leur chance, elle avait …
“Ah, ça y est, tu commences à comprendre, n'est-ce pas ?” dit Stephania. “Tous ces gens qui s'étaient empressés de te remercier de les avoir libérés se sont rangés à mes côtés avec tout autant d'empressement. Il faudra que je les surveille.”