Quand Mackenzie frappa à la porte d’entrée de la modeste petite maison en briques, la porte s’ouvrit directement. La femme qui se tenait devant eux avait visiblement pleuré. Elle regarda Mackenzie et Ellington avec méfiance jusqu’à ce que Mackenzie lui montre son badge.
« Nous sommes les agents White et Ellington du FBI, » dit-elle. « Nous aimerions parler avec le révérend Levins s’il est là. »
La femme leur ouvrit la porte et ils entrèrent dans une maison remplie de pleurs et de sanglots. Quelque part à l’intérieur, Mackenzie put entendre le murmure de prières.
« Je vais le chercher, » dit la femme. « Veuillez attendre ici. »
Mackenzie vit la femme traverser la maison et se diriger vers un petit salon à l’entrée duquel se tenaient plusieurs personnes. Elle entendit des chuchotements, puis vit un homme chauve de grande taille se diriger vers eux. Comme la femme qui leur avait ouvert la porte, il avait aussi visiblement pleuré.
« Agents, » dit Levins. « Comment puis-je vous aider ? »
« Et bien, je sais que c’est un moment très douloureux pour vous, » dit Mackenzie, « mais nous espérions pouvoir obtenir toutes les informations possibles concernant le révérend Tuttle. Le plus tôt nous pourrions avoir des pistes, le plus vite nous pourrions attraper celui qui a fait ça. »
« Vous pensez que sa mort a quelque chose à voir avec celle de ce prêtre il y a quelques jours ? » demanda Levins.
« Nous ne pouvons pas encore en être sûrs, » dit Mackenzie, bien qu’elle soit déjà certaine que ce soit le cas. « Et c’est la raison pour laquelle nous espérions pouvoir parler un peu avec vous. »
« Bien sûr, » dit Levins. « Mais dehors, sur le perron. Je ne veux pas interrompre les personnes occupées à prier à l’intérieur. »
Il les accompagna à l’extérieur et s’assit sur une marche en béton. « Je dois vous avouer que je ne suis pas sûr de savoir ce que vous allez pouvoir découvrir sur Ned, » dit Levins. « C’était un croyant convaincu. À part quelques problèmes avec sa famille, je n’ai pas connaissance qu’il y ait qui que ce soit qui puisse lui en vouloir pour quoi que ce soit. »
« Est-ce qu’il avait des amis à l’église au sujet desquels vous pourriez avoir des doutes concernant leur niveau de moralité ? » demanda Ellington.
« Tout le monde aimait Ned Tuttle, » dit Levins, en essuyant une larme. « C’était un saint. Il donnait régulièrement au moins vingt-cinq pourcents de son salaire à l’église. Il était tout le temps en ville, à nourrir et à vêtir les pauvres. Il tondait la pelouse des personnes âgées, faisait de petites réparations pour les veuves, et il partait en mission au Kenya trois fois par an. »
« Est-ce que vous avez connaissance de quoi que ce soit dans son passé qui pourrait être louche ? » demanda Mackenzie.
« Non. Et je parle en toute certitude car je sais beaucoup de choses concernant son passé. Nous avons beaucoup parlé des difficultés que nous avons rencontrées. Et je peux vous assurer que, parmi le peu de choses coupables qu’il ait pu vivre, il n’y a rien qui puisse suggérer qu’il puisse être traité de la manière dont il l’a été la nuit dernière. »
« Et concernant les membres de l’église ? » demanda Mackenzie. « Est-ce qu’il y a des membres qui auraient pu être offensés par quelque chose que le révérend Tuttle ait pu faire ou dire ? »
Levins réfléchit brièvement à la question avant de secouer la tête. « Non. Et s’il y avait quoi que ce soit du genre, Ned ne m’en a jamais parlé et je n’en ai jamais rien su. Mais à nouveau… Je peux vous assurer qu’à ma connaissance, il n’avait aucun ennemi. »
« Est-ce que vous savez si… » commença à dire Ellington.
Mais Levins leva la main, comme pour chasser la question. « Je suis vraiment désolé, » dit-il. « Mais je suis vraiment accablé par la perte de mon ami et de nombreux membres de mon église sont actuellement chez moi, en plein deuil. Je serai heureux de répondre à vos questions dans les prochains jours mais pour l’instant, je me dois à Dieu et à ma congrégation. »
« Bien sûr, » dit Mackenzie. « Je comprends. Et je suis sincèrement désolée pour votre perte. »
Levins parvint à sourire en se remettant debout. Des larmes coulaient le long de son visage. « Je le pense vraiment, » dit-il dans un murmure, faisant de son mieux pour ne pas s’effondrer en pleurs devant eux. « Laissez-moi un jour ou deux. S’il y a quoi que ce soit d’autre que vous ayez besoin de savoir, n’hésitez pas à me demander. J’aimerais vraiment vous apporter toute mon aide pour traduire en justice la personne responsable de cette horreur. »
Sur ces mots, il retourna à l’intérieur. Mackenzie et Ellington se dirigèrent vers leur voiture. Le soleil avait fini par complètement prendre sa place dans le ciel. Il était difficile de croire qu’il n’était que 8h11 du matin.
« Quelle est la prochaine étape ? » demanda Mackenzie. « Tu as une idée ? »
« Et bien… Ça fait presque que quatre heures que je suis réveillé et je n’ai pas encore pris de café. Ça me semble la meilleure chose à faire là tout de suite. »
***
Vingt minutes plus tard, Mackenzie et Ellington étaient assis face à face dans une petite cafétéria. En sirotant leur café, ils consultaient les dossiers sur le père Costas qu’ils avaient emportés du bureau de McGrath et les dossiers numériques sur le révérend Tuttle que Mackenzie avait reçus par email sur son téléphone.
À part observer de près les photos, il n’y avait pas grand-chose de plus à y examiner. Même dans le cas du père Costas, où il y avait davantage d’informations, il n’y avait pas grand-chose à en retirer. La mort avait été causée soit par la perforation du poumon, soit par la profonde incision à l’arrière de la nuque, si profonde qu’elle laissait voir en partie sa colonne vertébrale.
« Donc, selon ce rapport, » dit Mackenzie, « les blessures infligées au père Costas sont ce qui a causé sa mort. Il était probablement mort avant d’être crucifié. »
« Et ça a une quelconque signification ? » demanda Ellington.
« Je pense que oui. L’approche religieuse est manifeste ici. Le seul fait d’utiliser la crucifixion le suggère. Mais il y a une grande différence entre utiliser l’acte de la crucifixion en tant que message et utiliser l’image de la crucifixion. »
« Je pense que je vois où tu veux en venir, » dit Ellington. « Mais vas-y, continue. »
« Pour les chrétiens, l’image de la crucifixion est juste une sorte de représentation. Dans les enquêtes qui nous occupent, la mort en tant que conséquence de la crucifixion ne semble pas être l’objectif. Si c’était le cas, les corps ne présenteraient probablement aucune blessure. De fait… le christianisme serait bien différent si le Christ était déjà mort au moment où on l’avait cloué sur la croix. »
« Donc tu penses que l’assassin crucifie ces hommes juste pour le spectacle ? »
« Il est trop tôt pour le dire, » dit Mackenzie. Elle fit une pause pour avaler une longue gorgée de son café. « Mais je penche plutôt pour un non. Les deux hommes étaient des religieux… des personnes responsables d’une église d’une manière ou d’une autre. Les exposer pendus à la manière de la figure chrétienne sur laquelle reposent ces églises, est plus qu’un signe. Il doit y avoir une sorte de mobile derrière tout ça. »
« Tu viens juste de faire référence au Christ en tant que figure chrétienne. Je pensais que tu croyais en Dieu. »
« Et j’y crois, » dit Mackenzie. « Mais pas avec la force et le genre de conviction de quelqu’un comme Ned Tuttle. Et quand on en arrive aux histoires bibliques – le serpent qui parle, l’arche de Noé, les étapes de la crucifixion – je pense que la foi passe à l’arrière-plan et repose sur une sorte de croyance aveugle. Et je ne suis pas à l’aise avec ça. »
« Waouh, » dit Ellington en souriant. « C’était une réponse détaillée. Moi… j’opte plutôt pour la réponse Je ne sais pas. Alors… en ce qui concerne le mobile que tu mentionnais, comment on fait pour le découvrir ? » demanda Ellington.