Mori Anna - La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits стр 7.

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“Je n’en doutai pas. Je parie que tu es un type qui préfère Romeo et Juliette”. Il n’y avait aucune ironie dans sa voix, il avait fait seulement une constatation.

“Non, monsieur”. Contre-battre était naturel pour moi, comme si nous nous connaissions il y a toujours, et je pouvais être moi-même, complètement, sans subterfuges ou masques. “J’aime seulement les récits au heureux dénouement. La vie est déjà trop amère, pour renchérir avec un livre. Si je n’ai pas la concession de rêver la nuit, je veux le faire au moins le jour. Si je n’ai pas le permis de rêver dans la vie, je veux le faire au moins avec un livre”.

Il songea attentivement mes mots, pendant si beaucoup de temps que je pensais qu’il ne m’aurait pas répondu. Quand j’étais en train de prendre congés, il me retenait.

“Madame Mc Millian t’as dit le nom de cette maison?”

“Elle pourrait même l’avoir fait” admis-je avec un petit sourire. “Toutefois je crains de l’avoir écouté seulement par moitié”.

“Bravo, je me perds après le dixième mot” il se complimenta sans aucune ironie. “Je n’ai jamais eu esprit de sacrifice. Je suis un égoïste adulte”.

“Parfois il faut l’être” dis-je sans réfléchir. “Ou on verra trituré par les expectatives des autres personnes. Et on finira par vivre une vie qui n’est pas la nôtre, mais celle que les autres ont décidé pour nous”.

“Très sage, Mélisande Bruno. Tu as trouvé, seulement à vingt-deux ans, le secret de la sérénité de l’esprit. Ce n’est pas tous les chefs”.

“Sérénité?” répétai-je pleine d’amertume. “Non, la sagesse de comprendre une chose n’implique nécessairement de l’accepter. La sagesse nait de la tête, le cœur suit ses parcours, indépendants et dangereux. Et il tend à faire déviations fatales”.

Il déplaça le fauteuil roulant, en se portant de mon côté du bureau, les yeux pénétrants. “Alors? Etes-vous curieuse d’apprendre la raison du nom Midnight Rose? Ou non?”

“Rose de minuit” traduis-je, en luttant avec l’émotion de l’avoir si proche. J’échappai il y a longtemps la compagnie des mâles, du jour de mon premier et unique rendez-vous. Il fut tellement désastreux qu’il m’avait marqué pour toujours.

“Exactement. Dans cette zone il existe une légende, vieille de plusieurs siècles, peut-être millénaire, d’après laquelle si on assite à la floraison d’une rose à minuit, notre plus grand secret désir sera exaucé par magie. Même s’il s’agit d’un désir obscur et maudit”.

Il serra les mains à poing, presque en me défiant avec son regard.

“Si un désir a comme but celui de nous rendre heureux, n’est jamais obscur et maudit” dis-je avec calme.

Il me regarda avec attention comme s’il ne croyait à peine à ses oreilles.

Il lui échappa un rire presque démoniaque. Un frisson me traversa le corps.

“Très sage, Mélisande Bruno. Je te le concède. Mots scandaleux pour une fille qui ne tuerait un moustique sans se mettre à pleurer”.

“Une mouche peut être. Avec un moustique je n’aurais pas de problèmes” répondis-je lapidaire.

Il devint attentif, encore, une petite flamme lointaine à tiédir le gel de ces yeux foncés. “Combien d’informations précieuses sur toi, Mademoiselle Bruno. En quelques heures j’ai découvert que tu es la fille d’un ex-mineur passionné de Debussy, tu ne peux pas rêver et tu détestes les moustiques. Pourquoi, je me demande. Que t’ont fait ces pauvres créatures?” La dérision était évidente dans sa voix.

“Pauvres des clous !” répondis-je promptement. “Ils sont parasites, ils se nourrissent du sang des autres personnes. Ils sont insectes inutiles, à différence des abeilles, et néanmoins tant sympathiques, comme les mouches”.

Il se battit une main sur sa cuisse, en éclatant de rire. “Sympathiques les mouches? Tu es un drôle de tête Mélisande, et tant, trop, amusante”.

Plus capricieux du temps de mars, son humeur changea brusquement. Le rire s’éteignit dans une toux, et il me regarda encore. “Les moustiques sucent sang puisqu’ils n’ont d’autres choix, ma chère. C’est leur seul moyen de subsistance, tu peux les blâmer? Ils ont goûts raffinés, à différence des mouches tant encensées, habituées à être à leur aise parmi les ordures humaines”.

Je regardai le comptoir du bureau encombré de papiers, mal à l’aise sous le regard de ses yeux glaciaux.

“Qu’est-ce que tu ferais à la place d’un moustique, Mélisande? Tu renoncerais à te nourrir? Tu mourrais de faim pour n’être pas stéréotypée comme un parasite?” Son ton était pressant, comme s’il exigeait une réponse.

Je lui contentai. “Probablement pas. Toutefois je ne suis pas sure. Je devrai être à la place d’un moustique, pour en avoir la certitude. J’aime de croire que je pourrais trouver une alternative”. Je maintins le regard soigneusement détourné de lui.

“Il n’y a pas toujours d’alternatives, Mélisande”. Pendant un instant sa voix tremblait, sous la charge d’une souffrance dont je n’avais aucune idée, avec laquelle passait un accord tous les jours, il y a quinze longues années. “Nous nous verrons à deux heures, Mademoiselle Bruno. Soyez ponctuelle”.

Quand je me retournai vers lui, il avait déjà tourné le fauteuil roulant, en me cachant son visage.

La conscience d’avoir fait une gaffe me broyait le cœur dans un étau, toutefois je ne pouvais pas remédier de toute façon.

Je sortis de la pièce en silence.

Chapitre Troisième

A deux heures, ponctuelle, je me présentai dans le bureau. Kyle était en train d’en sortir, un plateau encore intact entre les mains, l’air de celui qui veut laisser tout et tous et se transférer de l’autre côté du monde.

“Il est de très mauvaise humeur, et il ne veut manger rien” marmonnait-il.

L’idée d’être moi-même la cause involontaire de son état d’âme me toucha dans le profond, dans chaque fibre de mon être, dans chaque cellule. Je n’avais jamais fait du mal à personne, en marchant presque sur la pointe des pieds pour ne pas déranger, en prêtant attention à chaque mot pour ne pas blesser.

Je traversai le seuil, une main appuyée au battant de la porte laissée ouverte par Kyle. A mon entrée ses yeux se levèrent. “Ah, êtes-vous. Entrez, mademoiselle Bruno. Alles-y, s’il vous plait”.

Je ne perdis pas de temps à obéir.

Il poussa sur le bureau des papiers couverts avec une calligraphie subtile masculine. “Envoyez ces lettres. Une au directeur de ma banque, e l’autre aux adresses indiquées au bas de la page”.

“Immédiatement, Monsieur Mc Laine” répondis-je avec déférence.

Quand je levai les yeux sur son visage je remarquai avec joie qu’il était de nouveau souriant.

“Comme vous êtes formelle, Mademoiselle Bruno. Rien ne presse. Ils ne sont pas de lettres si importantes. Ce n’est pas question de vie ou de mort. Je suis un mort vivant il y a trop d’années désormais ”.

En dépit de la cruauté de votre déclaration, il semblait qu’il lui fût retourné la bonne humeur. Son sourire était contaminé, et il échauffait mon âme en émoi. Heureusement il ne restait pas fâché pendant trop de temps, même si ses colères étaient déroutantes et violentes.

“Vous savez conduire, Mélisande? Je devrais vous envoyer à prendre quelques livres à la bibliothèque locale. Vous savez, recherches”. Le sourire fut remplacé par une grimace. “Bien évidemment je ne peux pas y aller” ajouta-t-il, à titre d’explication.

Embarrassée, je serrai encore plus les papiers dans mes mains, au risque de les chiffonner. “Je n’ai pas le permis de conduire, monsieur” je m’excusai.

La surprise altéra ses traits très beaux. “Je pensai que la jeunesse de nos jours serait pressée de croitre exclusivement pour avoir le droit de conduire. Quand même, ils le font déjà avant, et en cachette ”.

“Je suis différente, monsieur” dis-je laconique. Et je l’étais vraiment. Presque aliène dans ma diversité.

Il me scruta avec ses yeux noirs, plus perforantes d’un radar. Je soutins son regard, en inventant sur le moment une excuse plausible.

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