Mori Anna - La Fille Aux Arcs-En-Ciel Interdits стр 11.

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Il approcha l’ordinateur à soi-même et il commença à écrire, en m’excluant de son monde. Je retournai à mes tâches, même si j’avais le cœur en fibrillation. Tomber amoureuse de Sébastian Mc Laine était un suicide. Et je n’avais pas de velléités de kamikaze. C’est juste? J’étais une fille de bon sens, pratique, raisonnable, qui ne savait rêver. Même les yeux ouverts. Ou au moins je l’avais été jusqu’à ce moment, je me corrigeai.

“Mélisande?”

“Oui, monsieur?” Je me tournais vers lui, étonnée qu’il m’avait adressé la parole. Quand il commençait à écrire il se tint en dehors de tous et de tout.

“J’ai envie de roses” dit-il, en indiquant le vase sur le bureau. Demande à Millicent de le remplir, s’il-te-plait”.

“Bien-sûr, monsieur”. Je pris le vase en céramique avec les deux mains. Je savais combien il était lourd.

“Roses rouges” précisa-t-il. “Telles que tes cheveux”.

Je rougis, bien que ses mots n’eussent rien de romantique.

“Ça va bien, monsieur”.

Je sentais son regard me transpercer le dos, tandis que j’ouvrais la porte et sortais dans le couloir. Je descendis au rez-de-chaussée, le vase était étroit dans mes mains.

“Madame Mc Millian? Madame?” Pas de preuve de la gouvernante âgée, et ensuite un souvenir arriva à mon esprit, trop faible pour le prendre. La femme, pendant le petit-déjeuner, m’avait dit quelque chose, à propos du jour de repos... Elle faisait référence à aujourd’hui? Il était difficile de l’établir. Madame Mc Millian était une usine d’informations Même dans la cuisine pas de preuve d’elle. Désolée, j’appuyai le vase sur la table, à côté d’un panier de fruits frais.

C’est splendide. Je me suis rendu compte que c’était moi que devait choisir les roses dans le jardin. Une tâche au-delà de mes capacités. Il aurait été plus facile de prendre un nuage, et d’y danser un valser.

Avec un bourdonnement insistant aux oreilles, et la sensation d’une catastrophe imminente, je sortis au dehors. La roseraie était devant moi, ardente comme un feu de pétales. Rouges, jaunes, roses, blanches, même bleus. Quel dommage que je vivais en blanc et noir, dans un monde où tout était ombre. Dans un monde où la lumière était quelque chose d’inexplicable, quelque chose d’indéfinie, d’interdit. Je ne pouvais néanmoins rêver de distinguer les couleurs, puisque j’ignorais qu’est-ce qu’elles furent. De ma naissance.

Je mus un pas incertain vers la roseraie, les joues en flammes. Je devais inventer une excuse pour justifier mon retour à l’étage supérieur sans fleurs. Choisir entre deux boîtes c’était une chose, porter des roses de la même couleur c’était une autre. Rouge. Comment est-il le rouge? Comment imaginer quelque chose que nous n’avons jamais vu, néanmoins sur un livre?

Je piétinai une rose coupée. Je me penchai à la cueillir, puisqu’elle aurait fanée, languide dans sa morte végétale, toutefois elle sentait encore de bon.

“Qu’est-ce que tu fais ici?”

Je m’écartai brusquement les cheveux du front, en regrettant de ne les avoir pas attachés en chignon. Ils étaient longs sur la nuque, et déjà trempés de sueur.

“Je dois cueillir des roses pour Monsieur Mc Laine” répondis-je laconique.

Kyle me sourit, le même sourire plein de sous-entendus irritants. “As-tu besoin d’aide?”

Je trouvai une voie de fuite dans ces mots laissés aller, vides et ambigus, un raccourci inespéré, à prendre comme il était venu.

“En réalité c’est toi qui le devrait faire, mais tu n’étais là. Comme d’habitude” dis-je acide.

Un frémissement lui traversa le visage. “Je ne suis pas un jardinier. Je travaille assez”.

L’avoir entendu cette déclaration ne m’empêchait de rire. Je me portai une main à la bouche, comme à atténuer l’hilarité.

Il me regarda furibond. “C’est la vérité. Qui tu crois qui l’aide à se laver, à se vêtir, à se déplacer?”

Penser à Sébastian Mc Laine nu me provoqua presque un court-circuit. Le laver, le vêtir…Tâches que j’aurais déroulé très volontiers. L’idée suivante, c’est-à-dire qu’elles n’auraient jamais été ma responsabilité, me poussa à répondre aigrement.

“Toutefois pendant la plus grande partie de la journée tu es libre. Bien sûr, à disposition, toutefois tu es dérangé rarement” renchéris-je. “Viens aide-moi”.

Il se décida, encore contrarié. Je lui donnai les cisailles, en souriant. “Roses rouges” précisai-je.

“Ce sera fait” gargouilla, en se mettant au travail.

A la fin, quand le bouquet fut prêt, je lui escortai en cuisine où on prit un vase. Il me semblait plus pratique et aisé de nous partager la tâche. Il aurait porté le vase en céramique et moi les fleurs.

Mc Laine était encore en train d’écrire, passionné. Il s’interrompit seulement quand il nous vit rentrer, ensemble.

“Maintenant je comprends parce qu’il t’a pris autant de temps” il siffla à mon adresse.

Kyle partit à toute vitesse, en posant impoliment le vase sur le bureau. J’ai craint pendant un instant qu’il se serait renversé. Il avait été déjà sorti quand je m’apprêtai à ranger les roses dans le vase.

“Il était une tâche si difficile que tu devais te faire aider?” demanda-t-il, les yeux qui giclaient éclairs de colère incontrôlée.

J’haletai, comme un poisson qui a bêtement mordu l’hameçon. “Le vase était lourd” me justifiai-je. “La prochaine fois je ne le porterai avec moi”.

“Très sage”. Sa voix était faussement angélique. En réalité, avec le visage ombragé par une barbe de deux jours, il semblait un démon méchant, venant directement de l’enfer pour me tyranniser.

“Je n’ai pas trouvé madame Mc Millian” insistai-je. Un poisson qui encore mord l’appât, qui encore n’a pas compris qu’il s’agit d’un hameçon.

“Ah, oui, c’est son jour de repos” admit-il. Toutefois ensuite sa colère réapparait, seulement temporellement éteinte. “Je n’admets pas d’histoires d’amour entre mes employés”.

“Il ne m’était néanmoins passé pour la tête!” dis-je impulsivement, avec une telle sincérité à me mériter un sourire d’approbation de son côté.

“Je m’en réjouis”. Ses yeux étaient glaciaux malgré le sourire. “Naturellement cela n’est pas valable pour moi. Je n’ai rien contre l’avoir liaisons avec les employés, moi ”. Il appuya sur les mots, comme à souligner la moquerie.

Pour la première fois j’eus l’envie de lui frapper, et je compris qu’il n’aurait pas été la première fois. N’étant pas libre de me défouler sur celui que j’aurais voulu, mes mains firent pression encore plus fort sur le bouquet, en m’oubliant des épines. La douleur me prit par surprise, comme si j’avais été immune aux épines, étant occupée à en combattre des autres.

“Ahi!” Retirai-je la main brusquement.

“Tu t’es piquée?”

Mon regard méprisant fut plus éloquent que n’importe quelle réponse. Il allongea sa main, à chercher la mienne.

“Fais-moi voir”.

Je la lui tendis, comme un automate. La goutte de sang ressortait sur la peau blanche. Sombre, noire pour mes yeux anormaux. Rouge carmin pour les siens, normaux.

Je cherchai à retirer la main, mais son étroite était forte. Je lui observai, déconcertée. Son regard n’abandonnait jamais mon doigt, comme ravi, hypnotisé. Donc, comme d’habitude, tout finit. Son expression changea, au point que je n’aurais pas su la déchiffrer. Il semblait dégouté et il détourna le regard à la sauvette. Ma main fut laissée libre, et je portai le doigt à la bouche, pour en sucer le sang.

Sa tête se tourna encore en ma direction, comme s’il était conduit par une force inarrêtable et pas trop appréciée. Son expression était agonisante, souffrante. Toutefois, seulement pendant un instant. Bouleversant, et illogique.

“Le livre procède bien. J’ai retrouvé mon inspiration” dit-il, comme s’il répondait à une question non formulée. “Tu m’apporterais une tasse de thé, s’il-te-plait?”

Je m’accrochai à ses mots, comme une haussière lancée à un naufragé. “Je vais tout de suite”.

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