Конан-Дойль Артур - Jim Harrison, boxeur стр 14.

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Elle faisait une figure si étrange, avec sa face enflammée et souriante, enveloppée d'une sorte de mouchoir rouge, que si j'avais été seul, cette vue m'aurait fait prendre mes jambes à mon cou.

Jim, lui-même, s'arrêta un instant, comme s'il n'était pas très sûr de lui, mais elle nous mis bientôt à l'aise par la cordialité de ses façons.

 Vous êtes vraiment bien bons de venir voir une vieille femme solitaire, dit-elle, et je vous dois des excuses pour le dérangement inutile que je vous ai causé mardi. Mais vous avez été, vous-mêmes en quelque sorte la cause de mon agitation, car la pensée de votre venue m'avait excitée et la moindre émotion me jette dans une fièvre nerveuse. Mes pauvres nerfs! Vous pouvez voir vous-mêmes ce qu'ils font de moi.

Tout en parlant, elle nous tendit ses mains agitées de secousses.

Puis, elle en passa une sous le bras de Jim et fit quelques pas dans l'allée.

 Il faut que vous vous fassiez connaître de moi et que je vous connaisse bien. Votre oncle et votre tante sont de très vieux amis pour moi, et bien que vous l'ayez oublié, je vous ai tenu dans mes bras, quand vous étiez tout petit. Dites-moi, mon petit homme, ajouta t-elle en s'adressant à moi, comment appelez-vous votre ami?

 Le petit Jim, madame.

 Alors, dussiez-vous me trouver effrontée, je vous appellerai aussi petit Jim. Nous autres, vieilles gens, nous avons nos privilèges, vous savez? Maintenant, vous allez entrer avec moi, et nous prendrons ensemble une tasse de thé.

Elle nous précéda dans une chambre fort coquette, la même où nous l'avions aperçue lors de notre première visite.

Au milieu de la pièce était une table couverte d'une nappe blanche, de brillants cristaux, de porcelaines éblouissantes.

Des pommes aux joues rouges étaient empilées sur un plat qui occupait le centre.

Une grande assiette, chargée de petits pains fumants, fut aussitôt apportée par la domestique à la figure revêche. Je vous laisse à penser si nous fîmes honneur à toutes ces excellentes choses.

Miss Hinton ne cessait de nous presser, de nous redemander nos tasses et de remplir nos assiettes.

Deux fois, pendant le repas, elle se leva de table et disparut dans une armoire qui se trouvait au bout de la pièce et chaque fois je vis la figure de Jim s'assombrir, car nous entendions un léger tintement de verre contre verre.

 Eh bien, voyons, mon petit homme, me dit-elle, quand la table eut été desservie, qu'est-ce que vous avez à regarder, comme cela, tout autour de vous?

 C'est qu'il y a tant de jolies choses contre les murs.

 Et quelle de ces choses trouvez-vous la plus jolie?

 Ah! celle-ci, dis-je en montrant du doigt un portrait suspendu en face de moi.

Il représentait une jeune fille grande et mince, aux joues très rosées, aux yeux très tendres, à la toilette si coquette que je n'avais jamais rien vu de si parfait. Elle tenait des deux mains un bouquet de fleurs et il y en avait un second sur les planches du parquet où elle était debout.

 Ah! c'est la plus jolie? dit-elle en riant. Eh bien! avancez- vous, nous allons lire ce qui est écrit au bas.

Je fis ce qu'elle me demandait et je lus: «Miss Hinton, dans son rôle de Peggy dans la Mariée de Campagne, joué à son bénéfice au théâtre de Haymarket le 14 septembre 1782.»

 C'est une actrice? dis-je.

 Oh! le vilain petit insolent et de quel ton il dit cela! dit- elle. Comme si une actrice ne valait pas une autre femme! Il n'y a pas longtemps  c'était tout juste l'autre jour  le duc de Clarence, qui pourrait parfaitement s'appeler le roi d'Angleterre, a épousé mistress Jordan, qui n'est, elle aussi, qu'une actrice. Et cette personne-ci, qui est-elle, à votre avis?

Elle se plaça au-dessous du portrait, les bras croisés sur sa vaste poitrine, nous regardant tour à tour de ses gros yeux noirs.

 Eh bien! où avez-vous les yeux? dit-elle enfin. C'était moi qui étais miss Polly Hinton du théâtre de Haymarket et peut-être n'avez-vous jamais entendu ce nom?

Nous fûmes obligés d'avouer qu'en effet, nous l'ignorions.

Et ce seul mot d'actrice avait excité en nous une sensation de vague horreur, bien naturelle chez des garçons élevés à la campagne.

Pour nous, les acteurs formaient une classe à part, qu'il fallait désigner par allusions sans la nommer, et la colère du Tout- Puissant était suspendue sur leur tête comme un nuage chargé de foudre.

Et en vérité ce jugement semblait avoir reçu son exécution devant nous, quand nous considérions cette femme et ce qu'elle avait été.

 Eh bien, dit-elle en riant, comme une femme qui a été blessée, vous n'avez aucun motif de dire quoi que ce soit, car je lis sur votre figure ce qu'on vous aura appris à penser de moi. Tel est donc le résultat de l'éducation que vous avez reçue, Jim: mal penser de ce que vous ne comprenez pas! J'aurais voulu que vous fussiez au théâtre ce soir-là, avec le prince Florizel et quatre ducs dans les loges, tous les beaux esprits, tous les macaronis de Londres se levant dans le parterre à mon entrée en scène. Si Lord Avon ne m'avait pas fait place dans sa voiture, je ne serais pas venue à bout de rapporter mes bouquets dans mon logement d'York Street à Westminster. Et voilà que deux petits paysans s'apprêtent à méjuger!

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