Tu as dit que tu ne toucherais jamais une enfant, dit Poppy dune petite voix qui luttait pour sortir de sa gorge.
Elle tenait le couteau dans une main et la culotte denfant dans lautre.
Les yeux de Bruce séclaircirent et se remplirent de colère.
Cette petite pute ma supplié de lui donner du boulot. Elle en avait envie. Et maintenant, tu vas ten ramasser une.
Il avança vers elle. Poppy donna un nouveau coup de couteau. Mais Bruce avait bien plus lhabitude quelle dinfliger de la violence. Il se saisit de sa main, lui enlevant le couteau. Tout ce qui lui restait comme armure, cétait la petite culotte souillée de la petite fille de quelquun.
Cétait seulement la deuxième fois de sa vie quelle envisageait de se défendre. La première fois, elle portait encore une petite culotte taille huit ans, avec des licornes et des arcs-en-ciel. On la lui avait arrachée du corps, mais avant que la moindre goutte de sang nait pu être versée, son ange gardien était venue à son secours.
Les yeux de Poppy semplirent de larmes, comme ils le faisaient chaque fois quelle pensait à sa maman. Kellyanne était morte depuis longtemps maintenant. Il ny avait personne pour venir à son secours. Pas dans cette vie. La mort ne pouvait pas être pire. Au moins, elle quitterait ce parc de caravanes et verrait quelque chose dautre par la fenêtre.
Elle tourna la tête vers la fenêtre, se préparant à encaisser le poing de Bruce. Une minute Est-ce quil lavait déjà frappée ? Ou y avait-il quelque chose à la fenêtre ?
Ce nétait pas seulement une nouvelle vue, mais une nouvelle personne. La femme assise sur le rebord portait bien trop de vêtements pour être considérée comme une prostituée. Le corset quelle portait serait un vêtement très apprécié par une tapineuse. Les bottes aussi. Mais personne dans ce parc ne pouvait soffrir, ou ne voudrait sembêter avec, un pantalon moulant en cuir qui prendrait de précieuses minutes à enfiler avant quun client puisse jouir. Et le pantalon devait être lavé à sec. Non, qui que soit cette femme, elle nétait pas ici pour tapiner.
La femme bien habillée séclaircit la gorge juste au moment où Bruce levait le couteau pour frapper. Du coin de lœil, Poppy vit Bruce se tourner vers la fenêtre. Il resta bouche bée quand il vit qui était là.
Je te dirais bien de ten prendre à quelquun de ta taille, dit la femme en baissant les yeux et en fixant le membre de Bruce dans son slip kangourou. Mais ce serait injuste de ma part.
Vous êtes qui, bordel ?
Bruce pointa le couteau vers elle, ne sinquiétant plus du décès imminent de Poppy. Pourquoi sen serait-il inquiété ? Elle nirait nulle part pour linstant.
La femme sauta en bas de la fenêtre, limpact de ses bottes secouant la caravane plus que les pas de Bruce.
Je suis ton chauffeur.
Un sourire satisfait et hésitant souleva un coin de la bouche de Bruce.
Ah, ouais ? Où est-ce quon va, bébé ?
La femme tira une longue épée luisante de derrière son dos. La lame était plus de cinq fois plus longue que le couteau dans la main de Bruce.
Tout droit après lEnfer jusquà un endroit bien, bien pire. Et, petit veinard, on dirait que tu es parfaitement habillé pour loccasion.
Bruce ouvrit la bouche pour répondre. Un gargouillis sortit de sa gorge, parce que la femme lui avait taillé un trou béant en travers du cou. Du sang sécoula doù les mots étaient censés sortir. Le corps de Bruce tomba sur le sol avec un écœurant bruit sourd.
Poppy resta figée. Son corps était même trop effrayé pour trembler de peur. Quand elle releva les yeux, la femme lexaminait du regard. Pas son visage, sa main.
La femme leva une main, celle qui ne tenait pas lépée, et fit un signe signifiant viens ici à Poppy. Sa peur de la violence lavait bien dressée. Sans hésitation, Poppy fit ce quon lui demandait. Ses pas étaient lents et raides, mais elle parcourut la courte distance les séparant pour se tenir devant la femme.
La femme tendit le bras et prit la culotte denfant des mains de Poppy.
Celui-ci a été sur mon radar pendant une minute, mais son dernier geste a signé son arrêt de mort.
Elle utilisa la culotte pour essuyer le sang de Bruce de sa lame, recouvrant les nounours câlins avec lessence de sa défunte vie. Ça semblait juste. Sa mort pour une innocence perdue.
On dirait que cétait la goutte deau pour toi aussi.
Les yeux de la femme étincelèrent brillamment, comme des étoiles, lorsquils passèrent du couteau de boucher abandonné à Poppy.
La seule réponse que Poppy put lui donner fut de déglutir. Il y avait eu une assistante sociale qui sétait arrêtée à la caravane, une fois, habillée dune robe boutonnée jusquen haut et de chaussures reluisantes. Bruce avait mis une bonne trempe à Poppy la nuit précédente. Le regard de lassistante sociale était resté figé sur ces traces de coup. Quand Poppy avait refusé de partir avec elle, lassistante sociale lui avait demandé pourquoi elle restait. Poppy avait laissé la porte-moustiquaire grinçante claquer au nez de cette femme.
Elle avait vu quelques dramatisations filmées de femmes échappant à leurs maris en plein milieu de la nuit avec un mascara impeccable et des lèvres brillantes de gloss. Elle avait même vu assez de talk-shows de laprès-midi parlant de violences conjugales où lanimateur bien intentionné offrait des services en espèces et une porte de sortie. Rien de tout cela nétait le monde réel.
En voyant Bruce étendu mort sur le sol, Poppy ne ressentit aucun remords pour lui. Mais elle commença à sinquiéter pour elle-même. Elle navait pas dinstruction, pas de talent. Elle navait même pas un joli visage. Comment allait-elle gagner sa vie, à présent ?
Poppy se passa la main dans les cheveux. Ses doigts exécutèrent ce geste en tremblant. Le regard de la femme se rétrécit en suivant ses mouvements. Avec la rapidité de léclair, elle tendit la main et baissa le haut de la robe de Poppy.
Poppy eut un hoquet de surprise. Un réflexe lui dicta de se couvrir. Lautopréservation lui fit refermer les doigts en poings immobiles.
Des cheveux roux et des écailles ? Cest mon jour de chance ou quoi ?
Poppy se tortilla pour se libérer de sa poigne. Un sourire malicieux sétendit sur le visage de la femme. Poppy connaissait ce regard. Cétait un regard de prédateur.
Tu vas me rapporter un beau paquet de joyaux.
Poppy se retourna pour senfuir. Mais elle reçut un coup sourd à larrière de la nuque. Et tout devint noir.
CHAPITRE 3
Le bruit du métal rencontrant le métal résonna dans la grotte souterraine. Béryl avait entendu dire que les humains mâles avaient des tanières ; une petite pièce où ils pouvaient se retirer loin des femmes. Il ne comprenait pas pourquoi un homme aurait envie de se retirer loin de sa femme. Si lui-même avait une femme, il la laisserait entrer dans sa tanière chaque fois quelle en aurait envie. Il lui construirait une tanière à elle et sassoirait dans lentrée en espérant quil serait le bienvenu dans son sanctuaire.
Il avait une vraie tanière à lintérieur du château quil partageait avec ses frères. Beaucoup de pièces étaient des cavernes, à lextérieur des vraies cavernes doù les frères extrayaient chacun leurs joyaux et où ils amassaient leurs trésors.