Ines Johnson - La Sacrifiée Récalcitrante стр 4.

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Ne crie pas, dit Chryssie. Naie pas peur. Ça ne fera pas mal du tout, et ensuite tu seras dans un monde meilleur.

Chryssie se souvenait encore du jour où sa sœur avait été emmenée. Elle avait été présente dans la chambre avec elle. Sa petite main enfouie dans la main de sa grande sœur. Jacinthe avait désespérément voulu aller mieux. Pas juste pour elle-même, mais pour Chryssie aussi. Elles venaient juste de perdre leur mère lannée précédente. Elles étaient tout ce qui leur restait.

Le médecin avait prononcé ces mots, lavait emmenée au bloc, et Jacinthe avait disparu. On ne lavait plus jamais revue. Excepté quand des morceaux de son corps étaient réapparus lors dun coup de filet du FBI, dans une version moderne des profanateurs de sépulture. Les autorités avaient pincé les étudiants en médecine qui avaient acheté les morceaux de corps malades, mais elles navaient jamais été capables didentifier le revendeur. Quand les noms des personnes décédées avaient été révélés, Chryssie sétait immédiatement souvenue du dernier jour où elle avait vu sa sœur, ainsi que du médecin qui avait prononcé ces dernières paroles.

Cest ce que vous avez dit à ma sœur avant de la tuer et de la découper comme une tarte aux patates douces à Thanksgiving.

Jai dit la vérité, dit-il. Elle na pas souffert.

Vous lavez tuée.

Elle allait mourir. Il ny avait rien que quiconque pouvait faire, à part étudier les symptômes de sa maladie.

Le doigt de Chryssie posé sur la détente recula dun millimètre vers lintérieur. Mais les yeux du médecin avaient perdu leur frayeur. Il la regardait à nouveau comme si elle était un spécimen de laboratoire.

Vous savez à quel point les gens comme vous sont rares ? demanda-t-il en jetant un œil vers le sommet de son crâne. Et ils ont toujours les cheveux roux.

Chryssie sempêcha de passer la main dans ses mèches rouge sang. Tout comme sa mère et sa sœur, la couleur ressemblait à des flammes lui sortant directement du crâne.

Il y a de lhélium dans votre sang, continua-t-il. Ce nest pas normal. Vous devriez être morte. À vous regarder, vous le serez dans peu de temps.

Vous dabord.

Elle tendit les bras. Ses mains étaient fermes, ce qui était surprenant vu quelle sétait sentie faible tous les jours de sa vie depuis quelle avait douze ans. Mais son index ne voulait toujours pas plier. Elle avait envie de poignarder cet homme. Elle devrait peut-être faire ça avec un pieu, à la place.

Écoute, chérie, je vois bien quil faut faire la queue, mais je nai pas que ça à faire.

Chryssie et le médecin tournèrent tous les deux brusquement la tête vers la fenêtre doù provenait la voix. Sur le rebord se trouvait assise lincarnation même de la définition dhéroïne balèze. La femme était vêtue dun corsage bleu argenté qui soutenait une poitrine généreuse. Ses abdos musclés étaient parfaitement plats et sans un seul bourrelet, malgré quelle soit assise avec un genou relevé. Des cheveux violets flottaient dans la brise comme si un ventilateur était dirigé vers elle. Et puis, il y avait ses bottes. Si celles de Chryssie étaient du genre balèze de dépôt-vente, celles de cette femme étaient clairement dauthentiques fouteuses de branlée.

Dans ses mains, la femme tenait une grosse boule noire, semblable à une boule de billard, avec le chiffre huit peint dans un cercle blanc. Elle lançait la boule de haut en bas, la rattrapant adroitement dans sa main. Au bout des doigts, elle avait de longs ongles ressemblant à des serres qui se refermaient autour de la boule. Ses yeux étaient fixés sur Chryssie. Ils étaient dorés. Pas noisettes. De lor véritable, brillant comme le métal.

Tu vas appuyer sur la détente ou pas, beaux nichons ?

Je

Chryssie hésita. En partie parce quon lavait appelée beaux nichons. Ses seins navaient jamais attiré lattention de personne. Cétait un peu flatteur.

Ou peut-être que cétait le choc de voir une femme, qui nétait pas là auparavant, assise à la fenêtre dun immeuble de trois étages.

Quest-ce que tu en penses, Magic 8 Ball ? Elle a les couilles dexploser la tête de ce crétin ? Ou je dois le faire moi-même ?

La femme secoua la boule et scruta le cube à lintérieur de celle-ci.

Réponse difficile, essaie plus tard. Quelle connerie.

Le beau visage de la femme grimaça de mécontentement. Elle balança la boule par la fenêtre. Puis elle tourna son regard doré vers Chryssie.

Quest-ce que tu fais, poupée ? Je serais ravie que tu fasses mon boulot à ma place.

Votre boulot ? demanda Chryssie.

Je suis une escorte. Jescorte les enfoirés tordus et criminels humains comme celui-là dans les boyaux de lenfer.

Lenfoiré criminel, qui faisait maintenant face non pas à une, mais à deux folles furieuses qui voulaient sa mort, saisit lopportunité de se diriger vers la porte.

Oh non, pas si vite. Chryssie nallait pas le laisser séchapper. Oubliant sa rivale, mieux habillée, en meilleure forme, et carrément canon, à la fenêtre, Chryssie tourna rapidement son arme vers le médecin en fuite.

Le temps que larme soit dirigée vers le médecin, lautre femme était là. La vraie tueuse donna un haut coup de pied circulaire qui rappela la Buffy télévisée, et maîtrisa lhomme. Mais pas avant quun coup de feu ne retentisse dans la pièce.

La Vraie Tueuse grimaça en baissant les yeux sur le petit trou dans son corsage. Chryssie baissa les yeux avec horreur pour découvrir que son index posé sur la détente sétait détendu. Elle avait raté sa cible qui gisait au sol.

Je suis désolée. Mon doigt a glissé. Je ne voulais pas

La Vraie Tueuse balaya de la main la balle de révolver sur son torse. Il ny avait pas de sang. Juste un accroc dans le tissu, à cet endroit-là. Un sourire mauvais se forma sur son visage. Elle secoua la tête dun côté à lautre, et Chryssie vit que ses oreilles étaient pointues, comme celles dun elfe. Ou dune fée.

Tu vas payer pour ça, frangine.

Ses yeux dorés étincelèrent de façon anormalement vive, permettant enfin à Chryssie de piger ce qui se passait. Cette femme ne pouvait être quun ange de la mort. Elle était venue collecter lâme du médecin, et maintenant ses griffes mortelles étaient braquées sur Chryssie parce quelle avait voulu tuer lhomme et lavait manqué. Cétait probablement léquivalent dune agression sur un officier de police.

Chryssie baissa son arme. Elle navait pas prévu de quitter cette pièce. Après la bagarre et le coup de feu, la police allait sans aucun doute bientôt débarquer. Mourir des mains de cette femme ou cet ange, ou ce démon, ou peu importe ce quelle était valait mieux que de mourir en prison.

Chryssie était née pour sauver sa sœur. Elle avait échoué à le faire quand on avait découvert quelle portait la même maladie incurable. Elle avait prévu de mourir triomphalement en descendant lhomme qui avait assassiné et mutilé sa sœur. Mais une mort par tueuse implacable devrait suffire. Du moment que son corps natterrissait pas dans un centre de soins palliatifs du gouvernement, ou en pièces détachées entre les mains de trafiquants de cadavres.

Chryssie se mit à genoux. Elle inspira profondément. Malgré tout, ses poumons ne se remplirent pas complètement. Mais lair était doux, ou du moins, cest ce quelle se dit puisque cétait son dernier souffle.

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