Shanae Johnson - À Genoux стр 2.

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« Jy survivrai. »

Dylan avança vers le docteur, retenant tant bien que mal une grimace face à la rébellion de sa prothèse. Il savait très bien que le psychologue, qui le regardait en haussant un sourcil, nétait pas dupe.

« Ce nest pas parce que vous pouvez y survivre que vous devriez le faire. »

Le docteur Patel sapprocha à son tour mais, tout comme Mark, il avait appris à noffrir son aide que lorsquelle était absolument nécessaire. Dylan, lui, sassurait quelle ne le soit jamais. Il navait pas besoin daide, seulement de réajuster sa charge.

Sa prothèse sétait probablement déboîtée. Il resta debout un instant, appuyant de toutes ses forces sur son moignon jusquà entendre le cliquetis caractéristique de lemboîture en train de se reconnecter avec le manchon.

« Mon boulet et moi nous entendons très bien. »

Dylan se redressa, retrouvant sa taille habituelle. La prothèse lui faisait gagner quelques centimètres. Il fallait bien un avantage.

« Votre corps est en train de guérir, dit le docteur Patel. Tous les hommes qui vivent ici se portent plutôt bien dun point de vue physique. Mais vous devez aussi prendre soin de vos cœurs. Cest lamour qui guérira vos blessures internes. »

Dylan avait déjà entendu ce discours plusieurs fois. Certes, il avait accepté de suivre une thérapie pour son esprit. Après tout ce quil avait traversé, il reconnaissait avoir besoin de parler à quelquun des horreurs de la guerre. Mais il nappréciait pas les moments où ce bon docteur commençait à parler de cœur.

« Vous pourriez peut-être faire venir votre famille ? » suggéra le docteur Patel.

Dylan secoua la tête. Il navait aucune envie de voir sa famille, qui lui avait dailleurs bien fait comprendre que, maintenant quil nétait plus quun demi-homme, elle sen sortirait très bien sans lui.

« Ou peut-être un rendez-vous galant en dehors du ranch ? » proposa ensuite le docteur.

Aucun des vétérans du ranch navait de « rendez-vous galant ». Enfin, à part Xavier Ramos, mais il avait encore tous ses membres et sa belle gueule. Les femmes avec qui il sortait ne risquaient pas de voir sa blessure, sauf sil se déshabillait.

« Cela dit, je reste peu convaincu par lidée de rencontrer des gens via des applis ou sur lordinateur, continua le docteur Patel. Chez moi, nous faisions confiance à nos aînés pour trouver nos partenaires. »

Dylan avait déjà rencontré Mme Patel à plusieurs occasions. La vue de leur couple lui réchauffait toujours le cœur. Ils prenaient soin lun de lautre, échangeaient des sourires complices, se chamaillaient pour des détails.

Dylan avait toujours cru quil aurait un jour cette chance, mais la femme à laquelle il avait offert sa bague la lui avait rendue avant même sa sortie de lhôpital. Sa blessure ne lui avait pas permis de lui courir après ; sa fierté ne laurait pas supporté ; et son cœur nen avait pas fait une priorité.

« Je ne cherche pas vraiment lamour pour le moment. »

Dylan prit soin de ne pas dire « du tout ». Il navait pas lintention de chercher lamour, que ce soit maintenant ou plus tard. Si même sa propre famille ne pouvait pas laimer, si sa fiancée lavait quitté après avoir vu ce quil était devenu, comment une inconnue pourrait-elle jamais aimer lhomme quil serait pour le reste de ses jours ?

« Cest lavantage des mariages arrangés, répondit le docteur Patel. On trouve le partenaire dabord, lamour vient avec le temps.

Vous êtes prêt pour notre séance ? demanda Dylan en pointant le bureau du docteur Patel du doigt pour le distraire. Jai fait quelques cauchemars. »

Contrairement à la plupart des autres vétérans du ranch, Dylan ne faisait jamais de cauchemars. Son sommeil était toujours profond, sans rêves.

Encore une fois, le docteur Patel ne fut pas dupe, mais il laissa Dylan le précéder jusquà son bureau. Dylan savait que le vieil homme navait que de bonnes intentions, mais ce nétait pas un chemin quil comptait parcourir. Il avait assez souffert pour une vie entière.

Chapitre deux

Maggie baissa les yeux vers lanimal endormi sur la table dopération. Les lumières vives du théâtre opératoire illuminaient la pièce, ne laissant aucune ombre masquer sa performance. La lame dans sa main avait perdu sa magie, et elle navait plus aucun tour dans son sac. Le chien allait perdre ses deux pattes arrière.

Bien quil ait été endormi, ses babines tremblaient, comme sil savait ce qui était sur le point de lui arriver. Comme sil essayait de faire bonne figure face à ladversité. Maggie, plus que quiconque, pouvait comprendre ça. La vie avait sacrément rossé ce petit gars, et lavait laissé seul pour en gérer les conséquences.

Il navait pas de médaille. Pas même un collier. Quelquun lavait laissé à la porte de la clinique vétérinaire tôt ce matin-là. À son arrivée, Maggie lavait trouvé en train de saigner sur les marches immaculées. Il lui avait adressé un regard inquiet, trop fatigué pour grogner, avant de se contenter de fermer les yeux, résigné, dans lattente de ce quelle allait bien pouvoir lui faire de pire. Ce quelle avait fait, cétait le prendre dans ses bras, et se mettre au travail.

Lhistoire de ce chien ressemblait à la sienne. Sans jamais avoir subi de violences physiques, Maggie avait reçu sa part dabus émotionnels. Ses parents lavaient abandonnée quand elle était à lécole primaire. Littéralement. Ils lavaient déposée le matin et nétaient jamais venus la chercher.

Elle avait été placée en foyer en attendant leur retour. Mais ils nétaient jamais revenus.

Au début, elle sétait dit que cétait normal. Elle savait que beaucoup danimaux abandonnent leurs enfants très tôt. Mais ce raisonnement navait pas tenu longtemps : elle voyait bien les autres parents venir chercher leurs enfants à lécole, les faire monter dans la voiture, les ramener à la maison. Elle pouvait voir les fratries et les enfants venant du même quartier ou partageant un intérêt commun sassembler pour former des meutes, sattaquant aux enfants solitaires.

Maggie navait personne. Les autres enfants placés ne lacceptaient pas dans leurs groupes ou finissaient par être adoptés et ne jamais revenir. Maggie navait jamais eu de meute, ou du moins pas une formée dautres humains.

Aucun adulte navait jamais pris sa défense. Elle avait été laissée là, en foyer, sans jamais trouver de famille qui ladopterait et ferait delle lune des leurs. Elle avait été « accueillie », cest-à-dire utilisée pour obtenir des compensations ou de laide bon marché, jusquà ce quelle soit devenue assez âgée pour soccuper delle-même et sortir de ce cercle vicieux.

Mais ce pauvre chien ne pouvait même plus tenir debout à cause de sa blessure. Il ne courrait plus jamais. Personne ne voudrait dun chien handicapé. Personne ne prendrait sa défense et il allait devoir être endormi pour de bon.

Maggie reposa son scalpel et attrapa laiguille remplie de liquide bleu. Le pentobarbital serait une délivrance pour cette pauvre créature. Elle en était consciente. Elle avait vu un nombre incalculable de cas, provoqués par une autre blessure ou une maladie, qui avaient fini juste ici, sur cette table, sous ces néons, au milieu du théâtre opératoire, sans personne pour regarder ou même sintéresser au spectacle.

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