Salvatore Savasta - Le Manoir De Mondello стр 3.

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Il était aussi beau quà lépoque du lycée, je ne pouvais mempêcher dy penser. Il était alors le plus âgé du groupe parce quil avait redoublé la quatrième année. Aujourdhui cependant, il avait atteint un âge qui lui donnait un étrange halo de maturité. La mâchoire volontaire, les épaules larges. Il était fascinant, pas beau. Voilà ce quil avait acquis avec lâge.

Il posa le combiné et dit : « Ton frère est arrivé.

Il avait lair soucieux.

Quest-ce que tu as, Angelo ?

Il soupira, hésita et dit ensuite :

Je lui ai parlé la semaine passée et il ne semblait pas content du tout de venir jusquici ».

La porte souvrit et la secrétaire entra, suivie de mon frère. Alex me regarda à peine et se concentra immédiatement sur Angelo.

« Bien, je suis là. Alex caressa nerveusement ses cheveux courts.

Je suis content que tu aies pu venir. Angelo ignora délibérément le ton irrité de mon frère. Cest bon de te revoir après autant de temps. Vous navez pas du tout changé, aucun de vous deux ».

Je crus un instant percevoir un léger sourire derrière le masque grossier et courroucé dAlex. Nous navions pas changé, en effet, et nous continuions à nous ressembler beaucoup, bien que physiquement seulement. Nous avions tous deux les pommettes hautes, les yeux bleu clair, presque gris, des cheveux noirs et des lèvres sombres et pleines. Et tous deux préférions laisser pousser notre barbe plusieurs jours avant de nous raser parce que nous aimions lair plus âgé quelle nous donnait. Nous avions des visages presque enfantins et, depuis nos vingt ans, la laisser pousser était la seule façon de montrer que nous étions désormais plus que de simples adolescents.

« Bien, dit Angelo, nous pouvons commencer. Vos grand-oncle et grand-tante nont pas pu venir, même sils le voulaient, mais ils sont repartis vivre en Amérique et ne pouvaient pas affronter un voyage aussi long. Vous serez donc les seuls à assister à la lecture du testament. »

Alex haussa les sourcils : « Alors ? Quest-ce que tu attends pour lire ce truc ? Il approcha une chaise du bureau et sassit à mes côtés.

Pourquoi tu ne te détends pas ? je répliquai, gêné de le voir se plaindre comme toujours. Aie au moins du respect pour celui qui la écrit. »

Alex se tourna vers Angelo : « Ne fais pas attention à mon frère. Il est dhumeur sentimentale, mais il ne fait que jouer les saints.

Alex ! je criai.

Johnny nest pas le seul dans cette pièce à qui Giovanni manque. Je laimais beaucoup moi aussi, le réprimanda Angelo.

Alex secoua la tête :

Non, je ne me suis pas expliqué. Je ne parle pas de notre grand-père. Je laimais autant que vous, voire plus. Je parle de mon frère, convaincu que le deuil doit être porté comme un étendard à montrer au monde. »

Je le regardai dans les yeux tandis quil parlait et neus pas le courage de répliquer lorsque je remarquai quil était sur le point de pleurer. Alex avait toujours essayé de cacher ses émotions, parce quil pensait quelles le rendaient faible. Il avait toujours été le plus fort de nous deux, celui quon appellerait si on devait se battre et voulait être sûr den sortir vainqueur.

« Je crois que cest mieux que je commence à lire le testament, dit Angelo, vous aurez probablement beaucoup de choses à discuter par après. »

Je le regardai dun air interrogateur, mais il prit une pile de feuilles sur le bureau et commença à lire : « Moi, Giovanni Biondi, résidant à Palerme, en pleine possession de mes facultés mentales, rédige ci-après mes dernières volontés par lesquelles jannule tout autre testament précédent. Premier point : Giovanni et Alex, mes petits-fils bien-aimés, ne savent pas que je nai jamais vendu le Manoir de Mondello, domaine que nous possédons depuis de nombreuses années le long de la route qui mène à la plage de Mondello. »

Bouleversé, je lançai un regard de travers à Alex, mais il fixait Angelo, dans lattente quil reprenne sa lecture.

« Je me souviens très bien des années durant lesquelles Giovanni et Alex jouaient heureux. Ils se disputaient comme chien et chat, mais faisaient semblant. Ils saimaient. Cest différent aujourdhui, ils ne jouent plus et ne font plus semblant. Il y a des années, jai été sur le point de vendre le Manoir de Mondello. Javais besoin dargent et narrivais pas à en trouver. Mais Giovanni et Alex étaient restés seuls après le décès de leurs parents et jai compris que je ne pouvais pas vendre le domaine. Notre famille aurait perdu son histoire et, avec elle, tous ses souvenirs. Maintenant que je vais mourir, le Manoir de Mondello est tout ce que jai. Je vous le laisse. Naturellement, je désirerais que vous le rameniez à sa splendeur dautrefois, mais uniquement si vous en avez envie. Autrement, vendez-le et profitez de largent pour moi. La seule clause (merci Angelo de mavoir suggéré le mot correct) est quaucun de vous deux ne peut vendre sa part sans le consentement de lautre. Je sais quun jour ou lautre, vous arrêterez de vous disputer. »

Angelo posa les feuilles et me regarda dans les yeux. Il reprit sa lecture un instant plus tard. Mon grand-père mavait laissé sa vieille voiture dépoque, plusieurs meubles sculptés à la main à Alex, ses vêtements griffés à ses frères et les nombreux albums photos et de souvenirs quil avait écrits durant sa jeunesse répartis entre nous tous.

Angelo sappuya contre le dossier de son fauteuil et il y eut un instant de silence. Puis il soupira et dit : « Lorsquil a écrit ce testament, il a fait mille tentatives. Il ma expliqué quil navait aucune intention de vous obliger à agir dans un sens plutôt que dans lautre. Il me répétait quil vous aimait et quil ne voulait pas que vous vous sentiez contraints, en aucune façon. Il la refait des centaines de fois, mais chaque fois quil le réécrivait, il pensait que la première version était la meilleure. » Il sourit et continua : « Il voulait que vous gardiez le Manoir de Mondello. Et il la donc laissé comme il était. Je pense que cest important que vous sachiez ce quil désirait en vous laissant cet héritage. Nous avons beaucoup ri pendant quon lécrivait, votre grand-père était vraiment sympathique. »

Je souris mais regardai Alex, tendu de colère : « Très émouvant » dit-il dun ton sarcastique alors quAngelo le regardait surpris. « Tu me dis à quel point mon grand-père était sympathique. Mais en attendant, de quoi avons-nous hérité, nous ? »

Angelo et moi le regardâmes déconcertés : « Vous héritez du Manoir de Mondello naturellement. Ou dargent comptant. Vous pouvez choisir de vendre ou non. »

Alex le regarda : « Nous nhéritons que dun grand sentiment de culpabilité, dit-il en colère. Même toi, tu penses que nous ne devrions pas vendre parce que notre grand-père ne laurait pas voulu. Bien, écoutez-moi une bonne fois : si vous pensez que jai envie de me risquer dans une aventure bizarre pour ramener ce domaine à la vie, vous vous trompez lourdement. Je ne roule pas sur lor et je ne pourrai pas investir dans cette baraque, alors quune vente me rapporterait immédiatement de largent.

Maintenant, cest toi qui me comprends mal, Alex. Je lai dit à monsieur Giovanni et je vous le dis aussi : mon conseil est de vendre. Et il savait que je vous le conseillerais.

Tu plaisantes ? je hurlai incrédule alors que tous deux me regardaient dun air étonné. Je nen crois pas mes oreilles. On vient juste dapprendre que ce que voulait mon grand-père était que nous gardions le Manoir de Mondello et toi tu nous conseilles de la vendre sans hésitation.

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