«Quel enthousiasme! sexclama-t-il en l'enlaçant à son tour.
On ne sest jamais perdus de vue pendant aussi longtemps, se défendit-elle en sécartant. Où voudrais-tu aller?
Il fait ensoleillé aujourdhui, on pourrait se promener un peu.
Daccord!»
Loreley ajusta son sac à bandoulière sur son épaule et le prit par la main, mais elle sarrêta au bout de quelques pas.
«Attention à toi si tu mets la main au portefeuille! lui dit-elle en levant lindex. Cette fois, cest mon tour, compris?
Quel effort pour quelquun comme toi!
Quest-ce que tu veux insinuer? lui demanda-t-elle, les mains sur les hanches.
Tes parents sont Ils ne sen sortent pas mal, disons.
Ils sont riches, tu peux le dire. Mais ça na rien à voir avec moi.
Je sais, Loreley, ne ténerve pas. Je plaisantais.
Laissons tomber cette conversation et allons nous détendre un peu. Quoi que tu veuilles faire, ça me convient.»
Davide ne voulut rien faire dexceptionnel. Ils abandonnèrent la voiture et allèrent se promener au Corona Park. En cette journée dautomne, le parc était peu fréquenté et immergé dans un léger manteau de silence et de brume. Des tapis de feuilles multicolores aux pieds des arbres à moitié dénudés soulignaient lenchantement envoûtant et nostalgique de l'automne, malgré la présence persistante de taches fleuries qui viraient du jaune intense au violet.
Ils auraient pu choisir de se balader à Central Park, plus grand et proche de chez elle, au lieu de traverser tout le borough du Queens, mais elle savait que Davide naimait pas les lieux trop vastes et fréquentés. À vrai dire, il naimait pas non plus les endroits où la richesse, et surtout ceux qui la revendiquaient, régnait, pensa-t-elle en marchant à ses côtés. Elle était sa seule amie aisée.
Quand les muscles de leurs jambes commencèrent à devenir douloureux de fatigue, ils sassirent sur un muret près de l'Unisphere, un énorme monument en acier représentant le globe terrestre. Loreley parla du mariage de son frère et de ce quil sétait passé cette nuit-là, omettant le nom de lhomme avec lequel elle avait partagé le lit: elle ne se sentait pas encore prête à le révéler, même à son ami. Il sembla le comprendre, car il évita de le demander, mais une ride nouvelle était apparue sur son front.
«Je sais ce que tu es en train de penser, dit-elle en fixant ses yeux bleu azur, qui semblaient lui faire des reproches. Je me mettrais des baffes. Johnny ne mérite pas ce que je lui ai fait et je ne sais pas comment en sortir sans le blesser.
Tu ne sais pas si tu dois lui dire ou pas, cest ça?
J'ai peur quil ne me le pardonne pas. Et je manque de courage aussi Elle détourna un moment le regard.
Sil te connaît comme moi je te connais, il se rendra compte que tu naurais jamais fini dans ce lit si tu étais sobre.
Cest si facile!
Davide la regarda, contrarié.
Ce nest jamais facile. Tu crois que ça ne ma pas coûté de t'avouer ma trahison? Javais une peur folle de te perdre pour toujours, aussi comme amie. Mais tu as compris
Je me suis quand même sentie mal, même si je ne lai pas montré plus que ça. Je nai plus rien voulu savoir des garçons pendant des années: seuls les études et le patinage comptaient pour moi.
Il soupira.
Le temps est passé, mais je vois que tu t'énerves encore quand on en parle.
Elle secoua la tête.
Excuse-moi Davide Elle lui caressa la joue. Je ne ménerve pas pour le passé, mais pour le présent.
Je viens de te dire ce que jen pense.
Jy réfléchirai, je te le promets» lui assura-t-elle pour clore ce sujet embarrassant.
Mieux vaut en trouver un autre.
Elle le regarda comme si elle se souvenait seulement de quelque chose dimportant.
«À propos de confessions: tu ne mas pas encore parlé des nouveautés que tu as mentionnées au téléphone. Elle sinstalla dans une position plus confortable. Je suis là et je tassure que jécouterai chacun de tes mots.
Elle le vit se détendre et sourire.
Davide sinstalla à ses côtés, laissa passer quelques secondes et annonça la bonne nouvelle.
Après autant de temps Et tellement de recherches, je pense que j'ai trouvé la bonne personne pour moi. On ira peut-être vivre ensemble dans quelques mois.
Elle écarquilla les yeux.
Oh mon Dieu, si tu savais comme je suis contente! sexclama-t-elle en battant des mains avant de lembrasser. Son nom?
Il sappelle Andrea, on sest rencontrés au cabinet: il ma amené son chien à soigner.
Je suis vraiment heureuse, tu sais?!
Merci! Moi, jai un peu peur par contre.
Je sais ce quon éprouve, surtout au début.
Cest pour ça que je ten parle. Je voulais savoir comment tu tétais sentie avec John. Ce quon ressent.
Et bien Je peux te dire quau début, je me sentais maladroite et je ne savais pas comment me comporter. Javais peur que tout ce que je faisais puisse le déranger. Je devais garder mon calme, être compréhensive et avoir lesprit large pour accepter ses façons de faire et de penser. Parfois, javais envie de lui mettre des claques, et dautres fois, de le prendre dans mes bras. Un jour, je remerciais le ciel de lavoir rencontré, et le suivant je voulais ne jamais lavoir rencontré. Tu auras souvent limpression de ne pas y arriver et de regretter ta liberté perdue, mais je tassure que tout se met en place ensuite. Il faut juste le vouloir vraiment.
Cest comme ça que tu tes sentie avec John? la coupa-t-il stupéfait.
Je tassure que je ne me reproche rien. Alors quelle répondait, elle se demanda pourquoi, si elle navait rien à se reprocher, elle narrivait pas à prendre en considération ce quelle venait de raconter à son ami, pour se rassurer elle-même.
Ça me suffit. Davide rit, heureux, et lui prit les mains. Tu verras que la situation sarrangera pour toi aussi: il faut juste le vouloir vraiment, juste?
Tu es un sacré
Il lui bloqua la bouche.
Aah Certaines choses ne se disent pas. Il lui sourit. Ce serait mieux daller boire quelque chose maintenant.»
Après une boisson fraîche et une visite au musée de la science et de la technologie, ils décidèrent quil était temps de trouver un petit endroit tranquille où dîner. Le soleil avait entretemps fait place à la lune, qui apparut bientôt comme un disque moucheté de lumière et dombres, occulté par moments par les nuages.
Le dîner fut léger, avec deux plats et une petite portion de cheesecake aux fruits. Par chance, la température navait pas suffisamment baissé pour les faire renoncer à se promener dans les rues de Manhattan, et ils ne réalisèrent quil était minuit passé que quand ils furent vraiment fatigués. Se sentant coupable de lavoir fait veiller si tard, Loreley décida dhéberger son ami chez elle: profiter de sa compagnie encore un peu lui faisait plaisir.
***Elle paressait au lit quand elle sentit une main sur son épaule. Elle se tourna et souleva à peine les paupières: elle sattendait à voir le visage de Davide, mais les yeux qui lobservaient étaient trop sombres pour appartenir à son ami, qui les avait bleus.
«Johnny!» Elle se releva, sappuyant sur ses coudes.
«Quand es-tu arrivé?
Je t'ai envoyé un message hier soir, tu ne las pas lu?
Excuse-moi, je ne men suis pas rendu compte.