Terry Salvini - Masques De Cristal

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Terry Salvini

Masques De Cristal

Terry Salvini
Masques de cristal
Traduction dePascale LeblonMasques de cristalde Terry Salviniwww.tektime.it © 2020 Maria Teresa Salvini

Tu apprendras à tes dépens que le long de ton chemin, tu rencontreras chaque jour des millions de masques et très peu de visages.

(Luigi Pirandello)

Personne ne peut porter longtemps le masque

(Sénèque)

Cette œuvre est purement fictive. Toute ressemblance avec des situations ou des personnes, existant ou ayant existé, ne saurait être que fortuite.


Maschere di cristallo Copyright © 2019 Maria Teresa Salvini

Masques de cristal Copyright © 2020 Maria Teresa Salvini


Tous droits réservés. Aucun extrait de cet ouvrage ne peut être utilisé ou reproduit sans autorisation écrite préalable, excepté pour ce qui est de courtes citations incluses dans des commentaires ou avis éventuels.

À mes ex-maris

À mes filles

À mon compagnon.


Prologue

Loreley émergea dun rêve confus, la peau couverte de sueur, la bouche pâteuse et une douleur lancinante aux tempes. Elle les massa, tentant de sexpliquer la raison de ce malaise, mais son esprit se refusait à collaborer.

Elle cligna plusieurs fois des paupières avant de les ouvrir complètement. Tout autour delle était immergé dans le noir; seule une petite et agaçante ampoule LED troublait cette obscurité: comme dhabitude, John avait oublié de léteindre avant de sendormir.

Elle se tourna vers lui en soupirant, prête à lui donner un coup de coude, quand un doute la figea. Elle regarda de nouveau la LED rouge: elle ne se trouvait pas face à elle, où elle aurait dû être!

Ce nest pas la lumière de la télévision, pensa-t-elle.

Loreley sefforça de se concentrer sur les détails de la pièce et, une fois ses yeux habitués, réussit à entrevoir les silhouettes sombres des quelques meubles autour delle: rien ne lui sembla familier.

Elle nétait pas dans sa chambre! Elle entendit un souffle plus fort que les autres, presque un râle; le lit remua et elle comprit que son compagnon venait de se tourner vers elle. Une forte odeur dalcool la consterna: il devait avoir beaucoup bu. Et elle peut-être aussi, comprit-elle un instant plus tard.

Elle glissa lentement hors des draps, mais ses jambes lâchèrent et elle dut sasseoir sur le lit. La nausée sétait ajoutée au mal de tête. Elle prit quelques secondes avant de se lever de nouveau. Quand elle fut certaine de pouvoir tenir debout, elle se dirigea vers la LED, convaincue quelle signalait la présence dun interrupteur. Elle la toucha plusieurs fois. Rien ne salluma.

Un autre doute lassaillit. Elle fit demi-tour, contourna le lit et allongea la main vers lhomme qui paraissait plongé dans un lourd sommeil, lui effleura les cheveux et le visage pour en étudier les traits, attentive à ne pas le réveiller. Elle retira brusquement son bras, son cœur sembla sarrêter un instant, et se mit à battre la chamade comme jamais.

Avec qui était-elle au lit, bon sang?

Elle devait partir de là, le plus vite possible, décida-t-elle.

Où étaient ses vêtements?

À tâtons, elle trouva son slip et son soutien-gorge sous le drap.

Au bout dune interminable minute, elle mit enfin la main sur sa robe, qui avait fini au pied du lit, et sur son sac, au garde-à-vous sur le fauteuil: le seul objet à sa place.

Une main en avant, elle identifia la porte de la salle de bain et alluma. Limage que le miroir lui renvoya la fit sursauter: ses yeux dun bleu profond étaient cernés de mascara noir qui avait coulé et de cernes, tandis que son visage était dune pâleur déconcertante.

Elle soupira: elle ne sétait plus vue réduite à cet état depuis des années. Elle observa les petits flacons sur le plan à côté du lavabo, les serviettes blanches repliées sur les poignées et deux peignoirs immaculés, pendus à leur crochet. Elle eut ainsi la preuve quelle se trouvait dans une chambre dhôtel; mais elle ne se souvenait absolument pas de comment elle y avait fini.

Elle se lava le visage et après avoir arrangé au mieux ses cheveux blonds avec le minuscule peigne offert aux clients, se tourna vers la fenêtre. Il faisait encore noir dehors, elle ne voyait rien, pas même la lune dans le ciel, et sortit son téléphone de sa pochette: quatre heures dix.

Un son strident l'avertit que la batterie était presque déchargée. Elle diminua rapidement la sonnerie et activa la localisation. La carte montrait un point dans l'Uptown de Manhattan, dans les environs de Central Park. Elle nétait pas loin de chez elle, pensa-t-elle soulagée, un instant avant que le portable ne séteigne avec une légère vibration.

Loreley le rangea à côté dun petit étui rond en argent: son pilulier. Elle le fixa comme si, à lintérieur, se trouvait quelque chose qui pouvait laider à retrouver sa lucidité et son équilibre. Une bouée de sauvetage qui stopperait toutes ses sensations négatives. Elle fit mine de le prendre mais se ravisa. Cétait peut-être à cause de cette faiblesse quelle se trouvait actuellement dans une situation absurde. Elle referma son sac: mieux valait le laisser où il était. Elle se tourna et lorsque son regard sarrêta sur son élégante robe, posée sur le tabouret, limage tremblante dun couple de mariés qui trinquent à leur futur ensemble lui vint à lesprit.

Elle essaya de se rappeler autre chose, mais renonça: ce nétait pas le moment dy penser. Elle se rhabilla à la hâte pour retourner dans la chambre.

Bon sang, ses chaussures! Elle les chercha longtemps, dans le noir, jusquà ce quelle bute sur ses escarpins. Elle se couvrit la bouche dune main et le juron qui lui échappait fit marche arrière pour retourner doù il venait. Elle retint son souffle, aiguisa son ouïe: le léger ronflement de lhomme continuait sans interruption.

Elle respira à nouveau. Elle quitta la pièce en douce encore pieds nus, ne remit ses chaussures quune fois dans lascenseur et se fit appeler un taxi à la réception.

Dehors, le ciel nocturne tendait vers le gris foncé et lair était saturé dhumidité, tout comme la rue, où ne circulaient encore que peu de véhicules; dans quelques heures, elle serait envahie dune myriade de voitures et de gens pris par lurgence endiablée de se rendre au travail.

Elle aussi devait sacquitter de cette tâche ce matin, malgré la nausée, le mal de tête et sa mine épouvantable: la carrière et les absences au travail nétaient pas compatibles.

Le taxi arriva en quelques minutes. Dun pas incertain, elle se dirigea vers la portière, que le conducteur avait entretemps ouverte, mais en descendant du trottoir, elle glissa sur une petite flaque. Elle sagrippa à l'homme, qui la soutint, pour ne pas finir par terre.

Hé, non. Ça suffit de terminer dans les bras dinconnus! se dit-elle en se dégageant de sa prise.

Elle vit lhomme faire un pas en arrière.

«Je voulais seulement vous aider à entrer»

Loreley lobserva un instant: la lumière du réverbère lui révélait un visage joufflu au regard amusé.

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