Comme sil avait compris son malaise, lanimal recula de quelques pas et, avant de sen aller, émit un hurlement qui retentit dans toute la vallée. Puis il disparut dans lobscurité de la nuit.
Çavait été une expérience vraiment très forte et dont Vent qui Souffle était heureux et reconnaissant, mais il ne put fermer lœil de la nuit.
Aux premières lueurs de laube il se prépara pour rentrer au vilage. Il parcourut quelques mètres quand quelque chose, quil sabaissa pour ramasser, attira son attention : il sagissait dune dent de loup. Il létreignit dans sa main, adressant un regard chargé de reconnaissance au ciel, puis il la déposa avec soin dans son sac médecine avant de reprendre sa route.
La lumière rougeâtre du ciel filtrait au travers des bords du tipi de Vent qui Souffle, annonçant le crépuscule du soir.
Le soleil se couche, dit le jeune homme en regardant louverture supérieure. Puis sadressant à ses parents, il les informa de sa décision de faire sa déclaration à Faucon Doré.
Ruisseau Dansant se leva et se dirigea vers une corbeille formée par lentrelacement de cannes de jonc et de yucca. Elle la gardait près de sa couche depuis un certain temps.
Cerf Tacheté alluma son calumet et en tira une profonde bouffée avant de sadresser à son fils.
Ta décision est un pas important dans la vie dun homme. Tu vas tengager à prendre soin de cette jeune femme et des enfants qui naîtront de votre union.
Il le regarda avec intensité en lui passant le calumet.
Cette décision est un motif dorgueil pour nous, ajouta lhomme avec une expression fière, recevant en retour respect et gratitude des yeux de son fils.
Sa mère lui sourit heureuse, tandis quelle lui tendait la corbeille.
Je me suis souvent demandé ce quelle contenait, dit le jeune homme en extrayant son contenu et déployant une couverture aux couleurs flamboyantes.
Ruisseau Dansant révéla : Je lai faite tisser par ma sœur à ton intention, pour le jour où ce moment serait arrivé.
Merci ! dit le jeune homme en lui adressant un regard affectueux. Le soleil vient de se coucher, il est temps dy aller annonça-t-il en se levant.
Sa mère plia la couverture et la posa sur son avant-bras avant quil ne parte.
À peine sorti, le jeune homme jeta un coup dœil en direction du tipi de Faucon Doré pour sassurer que les prétendants ne faisaient pas la queue à lextérieur.
Il tira un soupir de soulagement et sachemina, muni, comme le prévoyait la tradition, de la couverture des fiançailles. Il traversa le village quasiment désert, les rares Indiens alentour rentraient dans leurs tentes.
Parvenu devant le tipi de la femme quil aimait, il écarta le rabat de peau de lentrée, croisant le regard de Grand Aigle, assis face à lentrée.
Il demanda très respectueusement : Puis-je entrer et masseoir auprès de Faucon Doré ?
Lexpression de joie sur le visage de la jeune fille ne laissait aucun doute sur lissue de cette visite quelle attendait tant.
Entre donc, répondit Grand Aigle.
Vent qui Souffle sassit à côté de la jeune fille et lenveloppa avec lui dans la couverture. Ils étaient officiellement fiancés.
Chapitre 5
Gokstad, année 915.
Cétait une chaude journée de Juin. Ulfr et Thorald, âgés de quinze ans, se préparaient à entrer dans le monde des adultes.
Tout le monde était fort occupé par les préparatifs de la fête à laquelle avaient également été conviés les membres de la famille et du clan de Thorald.
On humait dans lair le parfum de la viande quon faisait rôtir : le roi Olaf avait fait abattre deux gros sangliers à cette occasion.
Ils étaient en train dendosser les cottes de maille quand ils entendirent Olaf saluer chaleureusement quelquun.
Heureux de te revoir mon ami !
La voix profonde dun homme lui répondit : Olaf !
Thorald reconnut cette voix à linstant-même et se précipita au dehors.
Père ! Vous êtes de retour ! sexclama-t-il au comble de la joie.
Mon fils, pour rien au monde je naurais manqué ce jour aussi important ! déclara Harald en ouvrant largement ses bras.
Ils sétreignirent vigoureusement, se battant lépaule du plat de la main.
Entre, Harald ! Nous devons trinquer à ton retour dit Olaf, entourant les épaules de son ami de ses bras robustes.
À lintérieur le personnel était occupé dans la préparation des mets et Herja dirigeait toutes les tâches comme seule une maîtresse de maison sait le faire. Même sa fille cadette, Isgred, travaillait au milieu des serviteurs. Sa mère lavait fait dans sa jeunesse et elle estimait que seulement de cette façon, en remplissant toutes les tâches, on pouvait ensuite les diriger à la perfection.
Isgred avait quatorze ans et, dans une année ou deux, elle se serait fiancée avec un jeune homme de son rang. Sa mère tenait à ce quelle parvînt au seuil du mariage en sachant assumer à la perfection son rôle de maîtresse de maison.
Herja contrôlait la cuisson du pain quand les deux hommes, suivis de leurs fils respectifs, pénétrèrent dans les vastes cuisines.
Harald ! sexclama-t-elle, se dirigeant vers lui les bras grand ouverts.
Herja, tu es toujours aussi belle ! Même couverte de farine ! Ils éclatèrent de rire pendant quelle le bombardait de questions.
Olaf prit deux cornes quil remplit dhydromel.
Buvons à ton retour ! proposa-t-il en tendant une corne à son ami.
Drekka Minni ! Ils trinquèrent à lunisson, levant leurs cornes avant de les descendre dune seule traite.
Harald ordonna à ses hommes dapporter à lintérieur un grand coffre en bois.
Au cours de ce voyage les dieux nous ont protégés et conduits jusquà une cité appelée Kiev, lun des plus grands centres commerciaux que jaie jamais vus. Nous avons vendu notre chargement le double de ce que nous lavions payé à Hedeby et nous avons acheté des marchandises qui nous ont fait gagner une petite fortune.
Il ouvrit le coffre et en sortit de la soie et des bijoux.
Ceux-ci sont pour Herja et Isgred !
Cette soie est splendide, dit Herja en écarquillant les yeux, et ces joyaux ! Viens voir Isgred !
La jeune fille se précipita, intriguée, et resta bouche bée à la vue de ces merveilles.
Ces coupes dargent et les épices sont pour toute la famille, tandis que ceci est pour toi, dit-il à son ami.
Il lui tendit une élégante toge rouge en laine, aux bords ourlés de poils, des décorations en soie et une grande fibule en or ouvragé pour la fermer.
Sil ne faisait pas si chaud aujourdhui, je la porterais tout de suite, dit Olaf, suscitant lhilarité générale, en continuant dadmirer son nouveau manteau, digne dun roi.
Merci Harald, mon ami ! Japprécie vraiment ton cadeau. Dans leurs yeux se lisait toute laffection et le respect réciproques qui les unissaient depuis des années, dès leur enfance quand ils avaient décidé de devenir frères de sang.
Enfin Harald sortit deux fourreaux du coffre, battus de cuir, sur lesquels il avait fait orner les viroles triangulaires de bronze et dor.
Et ceux-ci sont pour vous... dit-il, les tendant aux deux garçons.