Federico Montuschi - Deux. Impair стр 11.

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« N...nuit chargée, les filles ? », demanda Castillo, avant de boire son café bouillant à petites gorgées qui, après des journées de grippe accompagnées de tristes tisanes curatives, lui sembla meilleur que jamais.

Conchita fit chauffer de leau et y immergea deux sachets de thé, sachant quil ferait du bien aux estomacs barbouillés de ses filles.

Le parfum de linfusion envahit rapidement la pièce et sembla avoir un effet bénéfique immédiat sur Mar, qui passa en quelques secondes de létat de catalepsie dans lequel elle sétait présentée dans la cuisine à celui d'hyperactive qui rendait Castillo nostalgique de la vie rythmée désormais lointaine qui caractérisait son passé détudiant brillant.

Les questions de sa fille aînée le prirent au dépourvu.

« Papa, tu retournes au travail aujourd'hui ? Tu en as envie ? Tu es sur une affaire ? Il sest passé quelque chose d'intéressant ces derniers jours ? Tu as vu comme il pleut ? Espérons que tu naies pas trop besoin de parler ! Maman, ce thé est délicieux ! Carmen, tu te réveilles ? » Et ainsi de suite.

Carmen, serrant entre ses mains la tasse fumante préparée par sa mère, resta dans son état catatonique.

Bien que pressé par les demandes de sa fille aînée, linspecteur Castillo ferma les écoutilles et se tint à lécart des dix minutes de conversation qui suivirent - si on pouvait parler de conversation, étant donné que même Conchita préférait dans ces situations renoncer à intervenir dans le flux de questions en suspens de sa fille.

Ses pensées commencèrent à affluer librement.

Il se concentra sur les principales chroniques de faits divers qui avaient eu lieu pendant la période quil avait passée au lit, essayant didentifier celles qui pourraient savérer de nouvelles opportunités de travail pour lui et pour le Slave.

Il avait besoin dimprégner son esprit, après des jours de maladie, et il ressentit une agréable charge dadrénaline monter peu à peu dans son estomac.

Une rafale de vent soudaine fit claquer les battants de la fenêtre. « M..mesdames...j..je vais au t...travail. Belle j...journée, nest-ce pas ? On se voit ce s...soir ».

Il enfila son imperméable vert, saisit le premier parapluie qui lui tomba sous la main et souffla un baiser vers ses femmes, qui lui rendirent son salut, sauf Carmen, qui resta immobile avec sa tasse entre les mains.

LAlfa 159 attendait Castillo de lautre côté de la rue, flambante comme toujours, mais les jours darrêt forcé pendant la maladie ne lui avaient pas fait du bien : linspecteur mit presque dix minutes pour allumer le moteur - plus que le temps quil lui aurait fallu pour arriver au bureau en marchant le tout accompagné de ses jurons grossiers et des railleries de Mar qui lespionnait derrière les rideaux de la fenêtre.

La chose qui le rendait encore plus furieux dans ces situations, était que les injures nétaient pas le moins du monde affectées par le bégaiement : elles sortaient de sa bouche claires, nettes, indiscutables, peu importe lintensité de la pluie.

Il alluma la radio et commença à tapoter du bout des doigts sur le volant au rythme de la musique, roulant comme à son habitude à faible vitesse, se moquant des regards de mépris, parfois accompagnés dinsultes, des conducteurs plus jeunes qui le dépassaient.

Conduire sa voiture était lun des rares moments pendant lesquels son cerveau se détachait des pensées quotidiennes, une sorte de zone franche qui lui permettait danalyser les situations dun point de vue externe et à plusieurs occasions, ce détachement lui avait permis de trouver la solution dans des affaires quil suivait.

Il arriva en peu de temps au parking de la Calle Arenal . Il descendit calmement de la voiture, acheta un journal à langle de la rue, le mit sous son bras et, traversant la Plaza Allende , continua dun pas tranquille vers son bureau non loin de là.

On aurait dit que léglise de San Isidro et lauberge Hermosa se regardaient en chiens de faïence, chacune sur son côté de la place.

Entre-temps, la pluie avait cessé et cela le tranquillisa davantage pour son retour au travail même si, depuis toutes ces années, le bégaiement ne constituait plus un problème insurmontable pour lui.

Il entra dans le bureau en ouvrant la porte doucement, comme sil ne voulait pas se faire remarquer, mais le volume de la radio qui passait You shook me all night long aurait quoi quil en soit couvert le bruit.

Il trouva le Slave saffairant avec le modem, accroupi à côté de son ordinateur ; il avait la tête rentrée dans les épaules pour ne pas cogner sa nuque contre la table et, à voir la grimace sur son visage, cette position contre nature ne devait pas être très confortable.

Il séclaircit la voix, mais cela ne fut pas suffisant pour signaler sa présence au Slave.

Il opta alors pour une intervention radicale, éteignant la radio juste avant le refrain.

Un geste dune violence inouïe, pour un fan de rock comme lui, qui autrefois, alors quil était à luniversité, était allé jusquà téléphoner à la radio nationale pour se plaindre du DJ qui avait coupé, en dépit du bon sens, Sultans of Swing juste avant le solo final.

Le silence soudain dans le bureau eut leffet espéré, attirant lattention du Slave, qui émergea depuis le dessous de la table en étirant son dos, le modem toujours à la main.

« Alors ? Tu ne las pas encore ramené ce truc ? », attaqua Castillo, accrochant son imperméable vert sur le porte-manteau placé à côté de lentrée.

« Bonjour inspecteur, bon retour ! », répondit en souriant le Slave, lui tendant une main que linspecteur serra avec sa vigueur habituelle accompagnée dun sourire affable quil réservait à ses amis.

« Pour mon retour, un petit quiz simpose, mon garçon ».

Prenant une pause parfaite portant la situation à son paroxysme, Castillo sarrêta un instant, sans détacher son regard de son interlocuteur et scanda dune voix rauque les vers dun morceau qui lui procurait toujours énormément démotions.

Take your time

Hurry up

The choice is yours

Dont be late

Take a rest

As a friend

As an old memoria.

Le Slave mit une seconde à reconnaître le titre.

« Inspecteur, cest trop facile ! Come as you are , Nirvana.

Je sais que cest facile, mais je ne voulais pas te gâcher mon retour avec des choses trop compliquées...tu imagines que jécoutais cette chanson quand Conchita était enceinte de Carmen et chaque fois que je lentends, les poils se dressent sur mes bras ! Ah, ma fille ! Maintenant, laisse-moi lire le journal, et toi, pendant ce temps, tu essaies de réparer ce foutu modem, ok ?

Daccord inspecteur, daccord ».

Le Slave se remit au travail, saccroupissant sous la table de lordinateur avec un semblant de sourire sur les lèvres, se rendant compte à quel point le retour de linspecteur le rendait heureux ; peu après, il se remit à écouter Radio Reloj, qui passait de la bonne musique rock sans interruption, comme aimait le souligner Castillo.

Mais ce matin-là, le D.J. fit une exception, coupant brusquement lextase de Slash dans la version live de Knocking on Heavens Door .

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