Le colonel, protecteur, prit les mains de Tess entre les siennes. « Tess, j'en suis bien conscient, et je te promets que tu auras l'occasion d'assurer ton avancement. Mais on va procéder étape par étape. »
Reynolds observa une pause, puis reprit d'un ton conciliant. « Je sais que tu as travaillé dur, Tess. Tu as eu ta part de sueur. Je te demande juste de faire ce que je te demande, et je peux t'assurer que lorsque l'occasion se présentera, tu auras mon feu vert. Mais là , il nous faut rester flexibles. Fais-moi juste ce plaisir. Commence la reco et, de là , on avisera. En attendant, nous avons des troupes à nourrir, à soigner et à motiver. Allons les rencontrer, Commandant !
â Oui, Chef », répondit Tess, constatant que le colonel n'irait pas plus loin pour cette fois. La vieille rengaine ; il lui fallait encore une fois faire ses preuves en tant que guerrière, en dépit de sa jolie tête.
Le colonel Reynolds ouvrit la porte du bureau et invita Tess à la franchir. La base était une vraie fourmilière et se trouvait en plein préparatifs pour que le personnel et les appareils se rendent jusqu'à Bagdad et lancent cette opération incisive au cÅur de l'Irak. Cela leur prit moins d'une minute pour entrer dans le hangar bourdonnant d'activités. Plusieurs troupes étaient occupées à préparer le déchargement d'hélicoptères Apache AH-64 et Black Hawk UH-60 d'un énorme avion de transport.
« Aaa-ttention !" cria un sous-officier, prévenant ainsi tout le monde que le Vieux était sur les lieux.
â Repos ! » répondit le colonel. L'équipage, composé de techniciens de maintenance et de pilotes, suspendit son activité pendant que le Chef Opération et Tess prenaient place sur une plate-forme surplombant l'avion de transport.
Dâune voix puissante et imposante, Reynolds s'adressa aux membres de l'équipage.
« Je voudrais vous présenter le commandant Morgan Turner. Elle prendra le commandement de notre escadron de reconnaissance et de sauvetage. » Un sifflet flatteur se fit entendre à lâarrière de lâauditoire. Reynolds fronça les sourcils mais fit mine de ne pas lâavoir remarqué.
« Le commandant Turner a obtenu les perfs les meilleures sur Black Hawk et sur Apache. Elle peut aussi piloter un Kiowa. Sa mission est de diriger notre opération de reco dans notre avancée et de protéger l'arrière de la colonne de blindés ainsi que les unités de ravitaillement. Je suis sûr que vous ferez connaissance avec le commandant Turner et que vous lui fournirez toute l'aide et tout l'appui pour faire de nous lâéquipe qui fera frémir Saddam ! » Les troupes applaudirent avec enthousiasme.
« Commandant, voici le Lieutenant Oxley, votre commandant en second. Il vous fera les honneurs de la visite. Vous rencontrerez également le commandant Dan Gardner, celui qui va mener l'assaut. Il sera de retour de Koweït City d'ici quelques heures. Si vous avez besoin de quoi que ce soit, faites-le moi savoir. »
Tess le salua prestement. « Merci, Colonel. »
Elle fit le tour habituel des présentations, fit connaissance avec son équipage et prit part au briefing tactique préliminaire. L'unité avait ordre de se déployer dans les 36 heures.
Tous les pilotes eurent 24 heures de perm avant le début des festivités. Koweït City nâétait pas exactement Las Vegas, mais on pouvait y trouver de bons hôtels et restaurants. Toujours mieux qu'une tente, en tout cas. Avant de quitter les lieux, Tess inspecta son Black Hawk. Une belle machine peu fiable et difficile à piloter. à peu près tout ce qu'il fallait pour ce quâelle voulait accomplir : devenir le guerrier qu'elle voulait être et pour lequel elle avait été formée.
2 - Trahison et Vengeance
Juste à sa sortie de West Point, Tess avait épousé Roger Haverty, un camarade élève-officier â mais, trop indépendante pour renoncer à cette partie dâelle-même, elle nâavait jamais pris son nom. Elle le regrettait parfois lorsqu'elle entendait le fameux commentaire « De la famille du Général Turner...? »
Son union avec Roger était tendue, mise à mal par des affectations de postes séparés, une vie amoureuse à mourir d'ennui, un commun accord de ne pas devenir parents et, surtout, cette absence d'engagement total pour le service que Tess reprochait à Roger.
Quand elle reçut son ordre de mission pour sa nouvelle affectation en Irak, Roger lui proposa de passer un long week-end à Las Vegas. Aucun des deux n'avait d'intérêt particulier pour le jeu mais peut-être avaient-ils besoin de se retrouver un peu avant d'affronter le désert irakien. Roger était arrivé un jour à l'avance car Tess voulait assister aux briefings sur sa nouvelle affectation.
Sortant enfin du taxi qu'il l'avait emmenée de l'aéroport, elle s'engouffra dans le hall de l'hôtel et parvint à l'ascenseur qui était presque rempli d'hommes asiatiques.
Tess était confortablement vêtue d'une chemise blanche d'homme et d'un pantalon de soie, une tenue simple qui mettait en valeur sa silhouette mince et ses longues jambes.
Quand elle se trouva une place dans l'ascenseur, les bavardages cessèrent. La femme sculpturale dominait le groupe d'hommes de petite taille d'au moins une tête. Et apparemment, ils étaient envoûtés par son parfum. Certains d'entre eux extirpèrent des billets de leur porte-feuille et tentèrent de les fourrer dans son soutien-gorge. Tess était tentée au plus haut point d'utiliser ses compétences en arts martiaux pour plaquer ses agresseurs aux quatre parois de l'ascenseur. Mais sa formation l'emporta sur son goût pour la décoration et elle fit preuve de retenue. Elle se contenta d'un coup de coude dans les côtes de l'homme le plus proche d'elle. Elle réussit à sortir de l'ascenseur, laissant ses admirateurs déçus et jouant des coudes pour avoir un dernier coup dâÅil sur cette magnifique déesse.
Tess avait pratiquement couru jusqu'à la chambre que Roger avait réservée et voulait juste tomber dans ses bras. Elle arriva à la porte au moment même où un serveur en chambre sortait un chariot. Elle se précipita devant lui et fit irruption dans la chambre. Quelque chose ne collait pas dans ce quâelle vit alors. Elle pensait s'être trompée de chambre. Dans le lit, une femme nue se mit à hurler, ce qui poussa l'autre occupant à sortir de la salle de bain. C'était Roger, se séchant avec une serviette.
Pendant bien trente secondes, Tess resta sans voix, puis reprenant rapidement ses esprits, elle laissa tomber sa petite valise et s'empara d'une lampe trônant sur une commode. Elle en arracha le cordon et jeta lâobjet sur Roger, qui réussit d'un cheveu à esquiver le missile. La femme sur le lit, terrifiée, continuait de crier. Dans un accès de rage, Tess saisit la femme par les cheveux et par le cou pour faire taire ses cris puis la jeta, nue, hors de la chambre et dans le couloir.
Roger se ressaisit et, tout en essayant de nouer sa serviette autour de la taille, il implora : « Tess, ce n'est pas ce que tu crois ! » à quoi Tess répliqua en attrapant une chaise et en la projetant sur lui, et cette fois, elle le toucha à la tête. Roger tomba tel un sac de patates, sa blessure à la tête dégoulinant de sang.
Tess n'en avait pas fini. Elle essaya de s'emparer du poste de télévision, mais le cordon l'en empêcha et le petit meuble média bascula vers l'avant.