'Je vois où cela va mener,' pensa Tess.
« C'est triste de vivre sans quelqu'un à aimer, et c'est pourtant ce que vous réservez à votre sÅur. »
Amir sâassit en face d'elle, les yeux rivés sur la peau laiteuse de la poitrine de Tess.
« Nous sommes une famille distinguée. Nous nous devons de maintenir notre rang dans la société. Et devons faire quelques sacrifices quand c'est nécessaire. » Après une brève pause : « Cela n'a pas d'importance, ce n'est pas la compagnie qui me manque. Jâai des maîtresses splendides en Europe, en particulier à Londres. Les dames savent apprécier les vrais hommes qui peuvent se permettre de les traiter comme des reines. » Tess commençait à se voir comme l'héroïne des Perils of Pauline, ligotée aux rails et attendant le train qui lui roulerait dessus. Nous y voilà !
Amir fixait la beauté splendide de ses yeux. Il avait peine à concevoir qu'une telle créature pilote des avions et aille au champ de bataille, ou que des soldats, des hommes, puissent se soumettre à ce commandant qui devait certainement mieux servir ses dirigeants dans un lit. Il avait du mal à contrôler son désir, à ne pas se saisir d'elle de force, ici et maintenant. « Aucune de mes compagnes n'arrive à votre hauteur, Tess. J'aimerais beaucoup jouir de vous et vous donner plus de plaisir que vous ne pouvez en imaginer. » Tess sentit son humeur se mettre en ébullition.
« Général, vous êtes un homme charmant mais je ne peux pas être une de vos compagnes, ni même votre seule compagne, en tout état de cause. Je suis un officier américain et un prisonnier. Nous sommes au milieu d'une guerre, et ce n'est vraiment pas idéal pour une histoire d'amour. » Tess était à court d'idées.
Amir appréciait ses tentatives de dérobade. Il aimait qu'elle résiste. Il n'appréciait pas les femmes passives. En parfait prédateur, il avait goût pour la chasse. Cela rendait la conquête d'autant plus savoureuse.
« Tess, les guerres sont des événements éphémères. à l'exception de la guerre lancée par les Américains en Afghanistan, elles ne durent aujourd'hui guère longtemps. Pourquoi être ennemis quand nous pouvons être amants ? Je suis riche et puissant, et un homme très passionné. Je peux vous montrer le monde tel que vous ne l'aviez jamais imaginé. Au lieu d'une tente poussiéreuse au milieu de désert, vous pourriez vivre dans un château en France. Vous pourriez avoir votre propre avion à Paris, aller à l'Opéra à Monte-Carlo avec vue sur votre propre yacht amarré dans la baie. »
Tess se leva. « C'est ce que vous avez promis à Kejal ? »
Le général posa son verre. « Elle et sa famille sont des traîtres ! Elle devrait être reconnaissante d'être encore en vie ! »
Tess pointa en direction des appartements de sa sÅur. « Elle n'a pas l'air très reconnaissante de l'être ! Que lui avez-vous fait ? »
Amir lui lança un regard glacial. « Si elle veut mourir, je peux arranger ça en moins d'une minute. »
Tess se tut. Elle savait qu'elle flirtait avec le danger.
« Mais revenons à vous, » Amir reprit. « Pourquoi risquer votre vie pour les ambitions de politiciens vieux et corrompus ? Vous êtes jeune, belle et vous êtes une femme ; pourquoi gâcher votre vie en tant que soldat, alors que vous pourriez vivre une vie de plaisirs ? »
D'un ton cassant, Tess riposta : « Général, parlant de servir des politiciens, n'est-ce pas exactement ce que vous faites ? Vous vous battez pour soutenir un dictateur brutal et un parti corrompu. Et comment envisagez-vous le simple fait que votre nation ne peut gagner une guerre contre les armées de la Coalition ? Pouvez-vous honnêtement dire que vous avez un avenir ? » Ouh la, elle regretta presque ses mots. 'Je devrais le laisser parler. Gagner du temps. Sauver mes hommes.'
Amir soupira et prit une gorgée de vin. « Tess, vous n'êtes manifestement pas étudiante en histoire. Quelles que soient les atrocités commises en temps de guerre, seuls quelques-uns des dirigeants paieront pour leurs crimes. Il n'y eut jamais qu'une infime fraction de la population au sommet du pouvoir qui ait été appelée à rendre des comptes. Après la Seconde Guerre Mondiale, les Nazis qui ont été pendus étaient si peu nombreux que c'en fut dérisoire comparé aux millions de victimes qu'ils avaient assassinées. Même au sein de la hiérarchie Nazie, y compris les pires de la SS et de la Gestapo, beaucoup avaient été emprisonnés mais finalement relâchés. Les Alliés ne pouvaient tout simplement pas les pendre tous. Au Japon, ils ont épargné l'Empereur et seuls le Général Yamashita et quelques officiers, dont la culpabilité était contestable, furent pendus ; la plupart de l'impitoyable hiérarchie samouraï qui avait mené d'innombrables massacres s'en était tirée. Il en ira de même ici en Irak.
"Mon grand-père était très rusé. Il avait compris que pour que la famille survive et prospère, elle devait être assez proche du régime pour lui être utile, mais aussi assez éloignée pour ne pas y être associée. Il avait totalement saisi la nature éphémère du pouvoir et me lâa bien appris. Je parviens à être important pour le régime mais pas trop important. »
Il but un peu de vin. « De plus, les circonstances de ce conflit sont inhabituelles. Je suis sûr que vous comprenez que les Américains et les Britanniques essaient naïvement de gagner les cÅurs et les esprits du peuple irakien, si ce n'est du monde arabe. Ils ne peuvent pas se permettre de punir et d'humilier d'innombrables chefs arabes, quoi que ceux-ci aient fait. Après tout, vous ne venez pas conquérir mais 'libérer' l'Irak. Les choses reviendront à la normale très vite ; les politiciens continueront à faire ce qu'ils ont toujours fait, et pour le reste d'entre nous, nous retournerons aux affaires. » Tess dut admettre à contrecÅur que l'homme avait marqué un point.
La porte s'ouvrit et un serviteur annonça en arabe que le dîner était servi. Amir se leva et offrit son bras. « Voulez-vous ? » Tess permit au général de tenir sa chaise alors qu'elle s'asseyait. Prenant sa place à la table, Amir sâexcusa du peu de victuailles préparées pour le dîner. « La guerre a entraîné des pénuries », expliqua-t-il.
Aux yeux de Tess cependant, cela paraissait un vrai festin. Le général prit quelques minutes pour présenter la composition des quelques plats. Cela sonnait comme une véritable symphonie de spécialités du Moyen-Orient : agneau, poulet, couscous, divers grains mélangés à plusieurs sortes de riz et de légumes. Tess sentit son estomac rongé par la faim et, en d'autres circonstances, elle se serait jetée sur la nourriture dans la plus pure tradition GI. Une pensée pour ses hommes qui croupissaient probablement dans ce sale trou la transperça de culpabilité.
« Général, mes hommes ont-ils été nourris ? »
Amir parut brusquement irrité. « On s'occupe d'eux ! Et maintenant, mangez avant de perdre encore plus de poids ! » Mais bien sûr, se dit-elle, il me veut douce et grasse comme Gretel dans le conte de fées.
Ils entamèrent le repas, un silence de plomb se dressant entre eux telle une barrière de béton. Après quelques bouchées, Amir demanda : « Tess, resteriez-vous avec moi ? Je quitterais toutes les autres pour vous. » Tess déglutit, prit une gorgée d'eau et la secoua légèrement la tête.