Антуан де Сент-Экзюпери - Маленький принц / Le Petit Prince стр 4.

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«Les épines, ça ne sert à rien, cest de la pure méchanceté de la part des fleurs!

 Oh!»

Mais après un silence il me lança, avec une sorte de rancune:

«Je ne te crois pas! Les fleurs sont faibles. Elles sont naïves. Elles se rassurent comme elles peuvent. Elles se croient terribles avec leurs épines»

Je ne répondis rien. À cet instant-là je me disais: «Si ce boulon résiste encore, je le ferai sauter dun coup de marteau.»[30] Le petit prince dérangea de nouveau mes réflexions:

«Et tu crois, toi, que les fleurs

 Mais non! Mais non! Je ne crois rien! Jai répondu nimporte quoi. Je moccupe, moi, de choses sérieuses!»

Il me regarda stupéfait.

«De choses sérieuses!»

Il me voyait, mon marteau à la main, et les doigts noirs de cambouis, penché sur un objet qui lui semblait très laid.

«Tu parles comme les grandes personnes!»

Ça me fit un peu honte. Mais, impitoyable, il ajouta:

«Tu confonds tout tu mélanges tout!»

Il était vraiment très irrité. Il secouait au vent des cheveux tout dorés:

«Je connais une planète où il y a un monsieur cramoisi. Il na jamais respiré une fleur. Il na jamais regardé une étoile. Il na jamais aimé personne. Il na jamais rien fait dautre que des additions. Et toute la journée il répète comme toi: «Je suis un homme sérieux! Je suis un homme sérieux!» et ça le fait gonfler dorgueil. Mais ce nest pas un homme, cest un champignon!

 Un quoi?

 Un champignon!»

Le petit prince était maintenant tout pâle de colère.

«Il y a des millions dannées que les fleurs fabriquent des épines. Il y a des millions dannées que les moutons mangent quand même les fleurs. Et ce nest pas sérieux de chercher à comprendre pourquoi elles se donnent tant de mal pour se fabriquer des épines qui ne servent jamais à rien? Ce nest pas important la guerre des moutons et des fleurs? Ce nest pas plus sérieux et plus important que les additions dun gros monsieur rouge? Et si je connais, moi, une fleur unique au monde, qui nexiste nulle part, sauf dans ma planète, et quun petit mouton peut anéantir dun seul coup, comme ça, un matin, sans se rendre compte de ce quil fait, ce nest pas important ça!»

Il rougit, puis reprit:

«Si quelquun aime une fleur qui nexiste quà un exemplaire dans les millions et les millions détoiles, ça suffit pour quil soit heureux quand il les regarde. Il se dit: «Ma fleur est là quelque part» Mais si le mouton mange la fleur, cest pour lui comme si, brusquement, toutes les étoiles séteignaient! Et ce nest pas important ça!»

Il ne put rien dire de plus. Il éclata brusquement en sanglots. La nuit était tombée. Javais lâché mes outils. Je me moquais bien de mon marteau, de mon boulon, de la soif et de la mort. Il y avait sur une étoile, une planète, la mienne, la Terre, un petit prince à consoler! Je le pris dans les bras. Je le berçai. Je lui disais: «La fleur que tu aimes nest pas en danger Je lui dessinerai une muselière, à ton mouton Je te dessinerai une armure pour ta fleur Je» Je ne savais pas trop quoi dire. Je me sentais très maladroit. Je ne savais comment latteindre, où le rejoindre Cest tellement mystérieux, le pays des larmes!

VIII

Jappris bien vite à mieux connaître cette fleur. Il y avait toujours eu, sur la planète du petit prince, des fleurs très simples, ornées dun seul rang de pétales, et qui ne tenaient point de place, et qui ne dérangeaient personne. Elles apparaissaient un matin dans lherbe, et puis elles séteignaient le soir. Mais celle-là avait germé un jour, dune graine apportée don ne sait où[31], et le petit prince avait surveillé de très près cette brindille qui ne ressemblait pas aux autres brindilles. Ça pouvait être un nouveau genre de baobab. Mais larbuste cessa vite de croître, et commença de préparer une fleur. Le petit prince, qui assistait à linstallation dun bouton énorme, sentait bien quil en sortirait une apparition miraculeuse, mais la fleur nen finissait pas de se préparer à être belle, à labri de sa chambre verte[32]. Elle choisissait avec soin ses couleurs. Elle shabillait lentement, elle ajustait un à un ses pétales. Elle ne voulait pas sortir toute fripée comme les coquelicots. Elle ne voulait apparaître que dans le plein rayonnement de sa beauté. Eh! oui. Elle était très coquette! Sa toilette mystérieuse avait donc duré des jours et des jours. Et puis voici quun matin, justement à lheure du lever du soleil, elle sétait montrée.

Et elle, qui avait travaillé avec tant de précision, dit en bâillant:

«Ah! Je me réveille à peine Je vous demande pardon Je suis encore toute décoiffée»

Le petit prince, alors, ne put contenir son admiration:

«Que vous êtes belle!

 Nest-ce pas, répondit doucement la fleur. Et je suis née en même temps que le soleil»

Le petit prince devina bien quelle nétait pas trop modeste, mais elle était si émouvante!

«Cest lheure, je crois, du petit déjeuner, avait-elle bientôt ajouté, auriez-vous la bonté de penser à moi

Et le petit prince, tout confus, ayant été chercher un arrosoir deau fraîche[33], avait servi la fleur.

Ainsi lavait-elle bien vite tourmenté par sa vanité un peu ombrageuse. Un jour, par exemple, parlant de ses quatre épines, elle avait dit au petit prince:

«Ils peuvent venir, les tigres, avec leurs griffes!

 Il ny a pas de tigres sur ma planète, avait objecté le petit prince, et puis les tigres ne mangent pas dherbe.

 Je ne suis pas une herbe, avait doucement répondu la fleur.

 Pardonnez-moi

 Je ne crains rien des tigres, mais jai horreur des courants dair. Vous nauriez pas un paravent ?»

«Horreur des courants dair ce nest pas de chance, pour une plante[34], avait remarqué le petit prince. Cette fleur est bien compliquée»

«Le soir vous me mettrez sous un globe. Il fait très froid chez vous. Cest mal installé. Là doù je viens»

Mais elle sétait interrompue. Elle était venue sous forme de graine. Elle navait rien pu connaître des autres mondes. Humiliée de sêtre laissé surprendre à préparer un mensonge aussi naïf, elle avait toussé deux ou trois fois, pour mettre le petit prince dans son tort[35]:

«Ce paravent?

 Jallais le chercher mais vous me parliez!»

Alors elle avait forcé sa toux pour lui infliger quand même des remords.

Ainsi le petit prince, malgré la bonne volonté de son amour, avait vite douté delle[36]. Il avait pris au sérieux des mots sans importance, et était devenu très malheureux.

«Jaurais dû ne pas lécouter, me confiat-il un jour, il ne faut jamais écouter les fleurs. Il faut les regarder et les respirer. La mienne embaumait ma planète, mais je ne savais pas men réjouir. Cette histoire de griffes, qui mavait tellement agacé, eût dû mattendrir»[37]

Il me confia encore:

«Je nai alors rien su comprendre! Jaurais dû la juger sur les actes et non sur les mots. Elle membaumait et méclairait. Je naurais jamais dû menfuir! Jaurais dû deviner sa tendresse derrière ses pauvres ruses. Les fleurs sont si contradictoires! Mais jétais trop jeune pour savoir laimer.»

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