Проспер Мериме - Carmen / Кармен. Книга для чтения на французском языке стр 4.

Шрифт
Фон

 Pour prix du service que je vous ai rendu, promettez-moi, don José, de ne soupçonner personne, de ne pas songer à la vengeance. Tenez, voilà des cigares pour votre route; bon voyage!

Et je lui tendis la main.

Il me la serra sans répondre, prit son espingole et sa besace, et, après avoir dit quelques mots à la vieille dans un argot que je ne pus comprendre, il courut au hangar. Quelques instants après, je lentendais galoper dans la campagne.

Pour moi, je me recouchai sur mon banc, mais je ne me rendormis point. Je me demandais si javais eu raison de sauver de la potence un voleur, et peut-être un meurtrier, et cela seulement parce que javais mangé du jambon avec lui et du riz à la valencienne. Navais-je pas trahi mon guide qui soutenait la cause des lois; ne lavais-je pas exposé à la vengeance dun scélérat? Mais les devoirs de lhospitalité!.. Préjugé de sauvage, me disais-je; jaurais à répondre de tous les crimes que le bandit va commettre Pourtant est-ce un préjugé que cet instinct de conscience qui résiste à tous les raisonnements? Peut-être, dans la situation délicate où je me trouvais, ne pouvais-je men tirer sans remords.[44] Je flottais encore dans la plus grande incertitude au sujet de la moralité de mon action, lorsque je vis paraître une demi-douzaine de cavaliers avec Antonio, qui se tenait prudemment à larrière-garde. Jallai au-devant deux, et les prévins que le bandit avait pris la fuite depuis plus de deux heures. La vieille, interrogée par le brigadier, répondit quelle connaissait le Navarro, mais que, vivant seule, elle naurait jamais osé risquer sa vie en le dénonçant. Elle ajouta que son habitude, lorsquil venait chez elle, était de partir toujours au milieu de la nuit. Pour moi, il me fallut aller à quelques lieues de là, exhiber mon passeport et signer une déclaration devant un alcade, après quoi on me permit de reprendre mes recherches archéologiques. Antonio me gardait rancune,[45] soupçonnant que cétait moi qui lavais empêché de gagner les deux cents ducats. Pourtant nous nous séparâmes bons amis à Cordoue; là, je lui donnai une gratification aussi forte que létat de mes finances pouvait me le permettre.

II

Je passai quelques jours à Cordoue. On mavait indiqué certain manuscrit de la bibliothèque des Dominicains, où je devais trouver des renseignements intéressants sur lantique Munda. Fort bien accueilli par les bons Pères, je passais les journées dans leur couvent, et le soir je me promenais par la ville. À Cordoue, vers le coucher du soleil, il y a quantité doisifs sur le quai qui borde la rive droite du Guadalquivir.[46] Là, on respire les émanations dune tannerie qui conserve encore lantique renommée du pays pour la préparation des cuirs; mais, en revanche, on y jouit dun spectacle qui a bien son mérite. Quelques minutes avant langélus,[47] un grand nombre de femmes se rassemblent sur le bord du fleuve, au bas du quai, lequel est assez élevé. Pas un homme noserait se mêler à cette troupe. Aussitôt que langélus sonne, il est censé quil fait nuit.[48] Au dernier coup de cloche, toutes ces femmes se déshabillent et entrent dans leau. Alors ce sont des cris, des rires, un tapage infernal. Du haut du quai, les hommes contemplent les baigneuses, écarquillent les yeux et ne voient pas grandchose. Cependant ces formes blanches et incertaines qui se dessinent sur le sombre azur du fleuve, font travailler les esprits poétiques, et, avec un peu dimagination, il nest pas dificile de se représenter Diane et ses nymphes au bain, sans avoir à craindre le sort dActéon.[49] On ma dit que quelques mauvais garnements se cotisèrent certain jour, pour graisser la patte[50] au sonneur de la cathédrale et lui faire sonner langélus vingt minutes avant lheure légale. Bien quil fit encore grand jour, les nymphes du Guadalquivir nhésitèrent pas, et se fiant plus à langélus quau soleil, elles firent en sûreté de conscience leur toilette de bain, qui est toujours des plus simples. Je ny étais pas. De mon temps, le sonneur était incorruptible, le crépuscule peu clair, et un chat seulement aurait pu distinguer la plus vieille marchande doranges de la plus jolie grisette de Cordoue.

Un soir, à lheure où lon ne voit plus rien, je fumais, appuyé sur le parapet du quai, lorsquune femme, remontant lescalier qui conduit à la rivière, vint sasseoir près de moi. Elle avait dans les cheveux un gros bouquet de jasmin, dont les pétales exhalent le soir une odeur enivrante. Elle était simplement, peut-être pauvrement vêtue, tout en noir, comme la plupart des grisettes dans la soirée. Les femmes comme il faut ne portent le noir que le matin; le soir, elles shabillent à la francesa. En arrivant auprès de moi, ma baigneuse laissa glisser sur les épaules la mantille qui lui couvrait la tête, et, à lobscure clarté qui tombe des étoiles,[51] je vis quelle était petite, jeune, bien faite, et quelle avait de très grands yeux. Je jetai mon cigare aussitôt. Elle comprit cette attention dune politesse toute française, et se hâta de me dire quelle aimait beaucoup lodeur du tabac, et que même elle fumait, quand elle trouvait des papelitos[52] bien doux. Par bonheur, jen avais de tels dans mon étui, et je mempressai de lui en offrir. Elle daigna en prendre un, et lalluma à un bout de corde enflammé quun enfant nous apporta moyennant un sou. Mêlant nos fumées, nous causâmes si longtemps, la belle baigneuse et moi, que nous nous trouvâmes presque seuls sur le quai. Je crus nêtre point indiscret en lui offrant daller prendre des glaces à la neveria.[53] Après une hésitation modeste elle accepta; mais avant de se décider, elle désira savoir quelle heure il était. Je fis sonner ma montre, et cette sonnerie parut létonner beaucoup.

 Quelles inventions on a chez vous, messieurs les étrangers! De quel pays êtes-vous, monsieur? Anglais sans doute?

 Français et votre grand serviteur. Et vous mademoiselle, ou madame, vous êtes probablement de Cordoue?

 Non.

 Vous êtes du moins Andalouse. Il me semble le reconnaître à votre doux parler.

 Si vous remarquez si bien laccent du monde, vous devez bien deviner qui je suis.

 Je crois que vous êtes du pays de Jésus, à deux pas du paradis.

(Javais appris cette métaphore, qui désigne lAndalousie, de mon ami Francisco Sevilla, picador bien connu.)

 Bah! le paradis les gens dici disent quil nest pas fait pour nous.

 Alors, vous seriez donc Moresque, ou je marrêtais, nosant dire: juive.

 Allons, allons! vous voyez bien que je suis bohémienne; voulez-vous que je vous dise la baji ? Avez-vous entendu parler de la Carmencita? Cest moi.

Jétais alors un tel mécréant, il y a de cela quinze ans, que je ne reculai pas dhorreur en me voyant à côté dune sorcière.  Bon! me dis-je; la semaine passée, jai soupé avec un voleur de grands chemins, allons aujourdhui prendre des glaces avec une servante du diable. En voyage il faut tout voir. Javais encore un autre motif pour cultiver sa connaissance. Sortant du collège, je lavouerais à ma honte, javais perdu quelques temps à étudier les sciences occultes et même plusieurs fois javais tenté de conjurer lesprit de ténèbres. Guéri depuis longtemps de la passion de semblables recherches, je nen conservais pas moins un certain attrait de curiosité pour toutes les superstitions, et me faisais une fête dapprendre jusquoù sétait élevé lart de la magie parmi les Bohémiens.

Ваша оценка очень важна

0
Шрифт
Фон

Помогите Вашим друзьям узнать о библиотеке

Скачать книгу

Если нет возможности читать онлайн, скачайте книгу файлом для электронной книжки и читайте офлайн.

fb2.zip txt txt.zip rtf.zip a4.pdf a6.pdf mobi.prc epub ios.epub fb3

Популярные книги автора