SORTIE DE LA FOULE, OCÉAN QUI ROULE
Sortie de la foule, océan qui roule, une goutte sest doucement approchée de moi,
Et ma murmuré: Je taime, je mourrai bientôt,
Jai accompli un long voyage uniquement pour te contempler, te toucher,
Car je ne pourrais pas mourir avant de tavoir une fois contemplé,
Et jaurais eu peur de te perdre plus tard.
A présent que nous nous sommes rencontrés, que nous nous sommes regardés, nous pouvons être tranquilles,
Retourne en paix à locéan, ma bien-aimée,
Moi aussi je fais partie de cet océan, ma bien-aimée, nous ne sommes pas tellement séparés,
Regarde le grand globe terrestre, la cohésion de tout, comme tout cela est parfait!
Quant à moi et à toi, si la mer irrésistible doit nous séparer,
Et pour une heure nous emporter vers des points contraires, elle ne peut cependant nous tenir à jamais éloignés lun de lautre;
Ne sois pas impatienteun petit momentsache-le, je salue lair, locéan et la terre,
Chaque jour au coucher du soleil, pour ta chère vie, mon aimée.
COMBIEN DE TEMPS FUMES-NOUS TROMPÉS NOUS DEUX
Combien de temps fûmes-nous trompés, nous deux!
Aujourdhui métamorphosés, nous nous évadons promptement comme la Nature sévade,
Nous sommes la Nature, longtemps nous avons été absents, mais à présent nous revenons,
Nous devenons plantes, troncs, feuillages, racines, écorce,
Nous sommes encastrés dans le sol, nous sommes rochers,
Nous sommes chênes, nous poussons côte à côte dans les clairières,
Nous broutons, nous sommes deux bêtes sauvages, mêlées aux troupeaux, primesautières à légal des autres,
Nous sommes deux poissons nageant de conserve dans la mer,
Nous sommes ce que sont les fleurs de lacacia, nous laissons tomber des senteurs par les chemins, de laube au crépuscule,
Nous sommes également lordure grossière des bêtes, des plantes, des minéraux,
Nous sommes deux éperviers adonnés aux rapines, nous planons dans lair et regardons en bas,
Nous sommes deux soleils resplendissants, cest nous qui nous balançons arrondis et stellaires, nous sommes tels que deux comètes,
Nous rôdons dans les bois, quadrupèdes armés de griffes, nous bondissons sur notre proie,
Nous sommes deux nuages voyageant là-haut, les matins et les soirs,
Nous sommes des mers qui se mêlent, nous sommes deux de ces vagues joyeuses qui roulent lune sur lautre et sentrinondent,
Nous sommes neige, pluie, froid, ténèbres, nous sommes chaque produit et chaque influence du globe,
Nous avons fait des tours et des tours, tous les deux, avant de nous retrouver de nouveau chez nous,
Nous avons épuisé tout hormis la liberté, tout hormis notre propre joie.
JE VOUS AI ENTENDUS, DOUX ET SOLENNELSCHANTS DE LORGUE
Je vous ai entendus, doux et solennels chants de lorgue, dimanche dernier comme je passais le matin devant léglise,
Vents dautomne, jai entendu en traversant les bois à la brune vos soupirs qui se prolongeaient là-haut si désolés,
Jai entendu à lopéra chanter labsolu ténor italien, jai entendu chanter le soprano au milieu dun quartette;
Cœur de mon aimée! Toi aussi je tai entendu murmurer tout bas à travers lun de ses poignets passé autour de ma tête,
Jai entendu cette nuit, lorsque tout était silencieux, ton battement faire tinter des clochettes à mon oreille.
POUR TOI, O DÉMOCRATIE
Oui, je ferai le continent indissoluble,
Je ferai la plus splendide race sur laquelle le soleil ait brillé,
Je ferai de divines terres magnétiques,
Avec laffection des camarades,
Avec laffection pour toute la vie des camarades.
Je planterai le compagnonnage aussi serré que des arbres le long de tous les fleuves dAmérique et des rivages des grands lacs et sur la surface entière des prairies,
Je rendrai inséparables les cités, leurs bras passés autour du cou lune de lautre,
Par laffection des camarades,
Par la mâle affection des camarades.
Pour toi ces poèmes sortis de moi, ô Démocratie, pour te servir, ma femme!
Oui, pour toi, cest pour toi que je module ces chants.
CHRONIQUEURS DES ÂGES FUTURS
Chroniqueurs des âges futurs,
Tenez, je veux vous faire pénétrer sous cette enveloppe impassible, je veux vous apprendre ce que vous devrez dire de moi:
Publiez mon nom et accrochez mon portrait comme celui de lami le plus tendre,
Portrait de lami, du cher camarade dont son ami, son cher camarade était le plus épris,
Qui nétait pas orgueilleux de ses chants, mais de limmesurable océan damour qui refluait en dedans de lui, et lépanchait sans compter,
Qui souvent se promenait en des chemins solitaires en songeant à ses amis chers, à ses tendres compagnons,
Qui, tristement songeur loin de celui quil aimait, passa souvent des nuits sans sommeil et chagrines,
Qui connut trop bien la mortelle, mortelle crainte que celui quil aimait pût être secrètement indifférent envers lui,
Dont les jours les plus heureux se passèrent très loin à travers champs, dans les bois, sur les coteaux, à errer avec un autre la main dans la main, tous deux isolés des hommes,
Qui souvent flâna dans les rues, entourant de son bras lépaule dun ami, et le bras de son ami également appuyé sur la sienne.
VOUS NE TROUVEREZ ICI QUE DES RACINES
Vous ne trouverez ici que des racines et des feuilles mêmes,
Des senteurs rapportées des bois sauvages et des étangs aux hommes et aux femmes,
De la surelle excrue sur un sein et des œillets damour, des doigts qui senroulent plus étroitement que la vigne,
Des ramages jaillis de la gorge des oiseaux cachés dans le feuillage, à lheure où le soleil est levé,
Des brises de la terre et de lamour soufflées des rivages vivants vers vous portés sur la mer vivante, vers vous, ô marins!
Des baies amollies par le gel et des ramilles de Mars offertes toutes fraîches aux jeunes gens qui errent dans la campagne au temps où lhiver sadoucit,
Des bourgeons damour mis devant vous et en dedans de vous, qui que vous soyez,
Bourgeons qui souvriront aux mêmes conditions que toujours:
Si vous leur versez la chaleur du soleil ils souvriront pour vous verser forme, couleur et parfum,
Si vous devenez laliment et londée, ils deviendront des fleurs, des fruits, de hautes branches et des arbres.
CITÉ DORGIES
Cité dorgies, de balades et de joies,
Cité qui sera fameuse un jour parce quau cœur de toi jai vécu et chanté,
Ce ne sont pas tes pompes, tes tableaux mouvants ni tes spectacles qui me payent de retour,
Ni les rangées interminables de tes maisons, ni les navires aux quais,
Ni les défilés dans les rues, ni les vitrines brillantes remplies de marchandises,
Ni de converser avec des gens instruits, ni de prendre part aux soirées et aux fêtes,
Non, pas cela,mais lorsque je passe, ô Manhattan, le fréquent et rapide éclair des yeux qui moffrent laffection,
Qui répondent aux miens,voilà ce qui me paye de retour,
Seuls, des amis, un perpétuel cortège damis, me payent de retour.