Конан-Дойль Артур - Micah Clarke Tome I. Les recrues de Monmouth стр 4.

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En une autre occasion que je puis me rappeler c'était quand j'avais sept ou huit ans sa colère éclata d'une façon plus dangereuse dans ses effets.

Je jouais autour de lui un après-midi de printemps pendant qu'il travaillait dans la cour de la tannerie, lorsque par la porte ouverte entrèrent, en se dandinant, deux beaux messieurs aux revers d'habit dorés, et des cocardes coquettement fixées sur le côté de leurs tricornes.

Ainsi que je l'appris plus tard, c'étaient des officiers de la flotte qui passaient par Havant, et nous voyant occupés dans la cour, ils étaient entrés pour nous demander des renseignements sur leur route.

Le plus jeune des deux aborda mon père, et commença l'entretien par un grand fracas de mots qui étaient pour moi de l'hébreu; mais maintenant je me souviens que c'était une série de ces jurons qui sont communs dans la bouche d'un marin.

Et pourtant que des gens qui sont sans cesse exposés à comparaître devant le Tout-Puissant s'égarassent au point de l'insulter, cela fut toujours un mystère pour moi!

Mon père, d'un ton rude et sévère, l'invita à parler avec plus de respect des choses saintes.

Sur quoi les deux hommes lâchèrent la bride à leur langue, et traitèrent mon père de farceur prédicant, de Jacquot presbytérien à figure de cafard.

Je ne sais ce qu'ils auraient dit encore, car mon père saisit le gros couteau dont il se servait pour lisser les cuirs, et s'élançant sur eux, il l'abattit sur le côté de la tête de l'un deux, avec une telle force que sans la dureté de son chapeau, l'homme eût été hors d'état de lancer désormais des jurons.

En tout cas, il tomba comme une bûche sur les pierres de la cour, pendant que son camarade dégainait vivement sa rapière et portait une botte dangereuse.

Mais mon père, qui avait autant d'agilité que de vigueur, fit un bond de côté, et abattant sa massue sur le bras tendu de l'officier, il le brisa comme il aurait fait d'un tuyau de pipe.

Cette affaire ne fit pas peu de bruit, car elle survint à l'époque ou ces archi-menteurs, Oates, Bedloe et Carstairs troublaient l'esprit public par leurs histoires de complot, et où l'on s'attendait à voir des émeutes d'une façon où de l'autre éclater dans le pays.

Au bout de peu de jours, tout le Hampshire parlait du tanneur séditieux de Havant qui avait cassé la tête et le bras à deux serviteurs de Sa Majesté.

Toutefois une enquête démontra qu'il n'y avait rien dans l'affaire qui ressemblait à de la déloyauté, et les officiers ayant reconnu qu'ils avaient été les premiers à parler, les juges de paix se bornèrent à punir mon père d'une amende et à lui faire prendre l'engagement de rester désormais tranquille pendant une période de six mois.

Je vous conte ces faits pour que vous puissiez vous faire une idée de la piété farouche et grave dont étaient animés non seulement votre ancêtre, mais encore la plupart des hommes qui avaient été formés dans les troupes du Parlement.

Par bien des côtés, ils ressemblaient davantage à ces Sarrasins fanatiques, qui croient à la conversion par le glaive, qu'aux disciples d'une croyance chrétienne.

Mais ils ont ce grand mérite d'avoir mené pour la plupart une vie pure et recommandable, car ils pratiquaient avec rigueur les lois qu'ils auraient volontiers imposées aux autres à la pointe de l'épée.

Sans doute, il y en eut dans ce grand nombre quelques-uns, pour qui la piété n'était que le masque de l'ambition, et d'autres qui pratiquaient en secret ce qu'ils condamnaient en public, mais il n'est point de cause, si bonne qu'elle soit, qui n'ait des parasites hypocrites de cette sorte.

Ce qui prouve que la grande majorité de ces Saints, ainsi qu'ils se qualifiaient eux-mêmes, étaient des gens de vie régulière, craignant Dieu, c'est ce fait qu'après le licenciement de l'armée républicaine, les vieux soldats s'empressèrent de se remettre au travail dans tout le pays, et qu'ils laissèrent leur empreinte partout où ils allèrent, grâce à leur industrie et à leur valeur.

Il existe en Angleterre plus d'une opulente maison de commerce, à l'heure actuelle, qui peut faire remonter son origine à l'économie et à la probité d'un simple piquier d'Ireton ou de Cromwell.

Mais pour mieux nous faire comprendre le caractère de votre arrière grand-père, je vous conterai un incident qui montre combien étaient ardentes et sincères les émotions auxquelles étaient dues les crises violentes que j'ai décrites.

À cette époque, j'avais environ douze ans.

Mes frères, Hosea et Ephraïm, en avaient respectivement neuf et sept; la petite Ruth ne devait pas en avoir plus de quatre.

Le hasard avait amené chez nous un prédicateur ambulant des Indépendants, et ses enseignements religieux avaient rendu mon père sombre et excitable.

Un soir, je m'étais couché comme d'habitude, et je dormais profondément, côte à côte avec mes deux frères, lorsque nous fûmes réveillés et nous reçûmes l'ordre de descendre.

Nous nous habillâmes à la hâte.

Nous suivîmes mon père dans la cuisine, où ma mère, pâle, effarée, était assise, tenant Ruth sur ses genoux.

 Réunissez-vous autour de moi, mes enfants, dit-il d'une voix profonde et solennelle, afin que nous puissions paraître tous ensemble devant le Trône. Le Royaume du Seigneur est proche; oh! tenez-vous prêts à l'accueillir. Cette nuit même, mes bien-aimés, vous Le verrez dans sa splendeur, avec les Anges et les Archanges dans leur puissance et leur gloire. À la troisième heure, il viendra, à cette troisième heure qui s'approche de nous.

 Cher Joe, dit ma mère, d'un ton câlin, tu t'épouvantes toi-même et tu terrifies les enfants hors de propos. S'il est certain que le Fils de l'Homme vient, qu'importe que nous soyons levés ou couchés?

 Silence, femme, répondit-il d'une voix sévère, n'a-t-il pas dit qu'il viendrait dans la nuit comme un larron, et que c'est à nous d'être en attente. Joignez-vous donc à moi en de continuelles prières, pour que nous soyons là en costume de fiançailles. Rendons-lui grâce pour la bonté qu'il nous a témoignée en nous avertissant par la voix de son serviteur. Ô Dieu grand, jette un regard sur ce petit troupeau et conduis-le au bercail. Ne mêle pas le peu de grain au grand amas de paille. Ô père miséricordieux, vois avec clémence mon épouse, et pardonne-lui la faute de l'Érastianisme, vu qu'elle n'est qu'une femme, et peu en état de rompre les chaînes de l'Antéchrist dans lesquelles elle est née. Et ceux-ci, pareillement, mes jeunes enfants, Michée et Hosea, et Ephraïm et Ruth, dont les noms mêmes sont ceux de tes fidèles serviteurs d'autrefois. Oh! place-les cette nuit à ta droite.

C'est ainsi qu'il priait, dans un flot emporté de paroles ardentes ou touchantes, qu'il se tordait prosterné sur le sol, en la véhémence de ces supplications, pendant que nous, pauvres mignons tremblants, nous nous serrions contre les jupes de notre mère, et que nous regardions avec épouvante sa figure bouleversée, à la faible lumière de la modeste lampe à huile.

Soudain retentit la sonnerie de l'horloge toute neuve de l'église, pour nous apprendre que l'heure était venue.

Mon père se releva brusquement, courut à la fenêtre, regarda au dehors, les yeux brillants de l'attente, vers les cieux étoilés.

Évoquait-il une vision à son cerveau excité, ou bien le flot des sensations qui l'assaillirent en voyant que son attente était vaine, était-il trop violent pour lui?

Il leva ses longs bras, jeta un cri rauque et tomba à la renverse, l'écume aux lèvres, les membres agités par des secousses.

Durant une heure et plus, ma pauvre mère et moi, nous fîmes tous nos efforts pour le calmer, pendant que les petits pleurnichaient dans un coin.

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