— On voit que tu étais fils unique !
— Toi aussi !
— Oui, mais moi, j’avais tellement de cousins qu’on ne s’en apercevait pas…
Aldo, pour sa part, aurait préféré des frères, les cousins en question ayant tous été – ou étaient peut-être encore ! – amoureux de Lisa. Même Apfelgrüne qui, au début de leurs relations, avait fait son possible pour l’écarter de sa belle cousine, avant de se transformer, il est vrai, en assistant plein de bonne volonté quand son ami Adalbert et lui traquaient l’opale manquant au Pectoral du Grand Prêtre de Jérusalem. Depuis, évidemment, il avait rencontré son Hilda à un bal chez les Kinski, s’était retiré de la compétition et transformé en un excellent ami. Ce qui n’était pas le cas de certains autres, comme le cousin Gaspard, suisse comme Lisa mais installé à Paris, qui ne se décourageait pas mais avait au moins la pudeur de ne pas se montrer à Venise…
Après avoir raccompagné Cornélius à la gondole du Danieli qui l’attendait, Aldo se rendit dans le bureau de Guy Buteau, son fondé de pouvoir qui avait été, jadis, son précepteur, et le trouva en compagnie de Lisa venue demander qu’il sorte du coffre la parure d’aigues-marines et de diamants qu’elle porterait le soir même au bal chez les Foscari où, puisque Aldo partait pour Paris, elle comptait emmener Friedrich et Hilda.
Comme chaque fois qu’il les voyait ensemble, Aldo admira le contraste formé entre la somptueuse chevelure rousse de sa femme et les cheveux neigeux de son vieil ami. Ils se connaissaient depuis des années, du temps où Lisa, fille d’un richissime banquier zurichois, officiait auprès d’Aldo en tant que secrétaire – ô combien compétente ! – sous le nom et l’aspect ahurissant de Mina Van Zelden, Hollandaise à lunettes et chignon serré, engoncée dans d’incroyables tailleurs en forme de cornets de frites