8. Lisez ce passage et imaginez-vous à la place de la princesse ! Est-ce quil y a la différence entre vous et linfante ? Faites le devoir !
Un jour quassise près dune claire fontaine, où elle déplorait souvent sa triste condition, elle savisa de sy mirer, leffroyable peau dâne, qui faisait sa coiffure et son habillement, lépouvanta. Honteuse de cet ajustement, elle se décrassa le visage et les mains, qui devinrent plus blanches que livoire, et son beau teint reprit sa fraîcheur naturelle. La joie de se trouver si belle lui donna envie de sy baigner, ce quelle exécuta ; mais il lui fallut remettre son indigne peau pour retourner à la métairie. Heureusement le lendemain était un jour de fête ; ainsi elle eut le loisir de tirer sa cassette, darranger sa toilette, de poudrer ses beaux cheveux, et de mettre sa belle robe couleur du temps. Sa chambre était si petite, que la queue de cette belle robe ne pouvait pas sétendre. La belle princesse se mira et sadmira elle-même avec raison, si bien quelle résolut, pour se désennuyer, de mettre tour à tour ses belles robes, les fêtes et les dimanches ; ce quelle exécuta ponctuellement. Elle mêlait des fleurs et des diamants dans ses beaux cheveux, avec un art admirable ; et souvent elle soupirait de navoir pour témoins de sa beauté que ses moutons et ses dindons, qui laimaient autant avec son horrible peau dâne, dont on lui avait donné le nom dans cette ferme.
Un jour de fête, que Peau-dÂne avait mis la robe couleur du soleil, le fils du roi, à qui cette ferme appartenait, vint y descendre pour se reposer, en revenant de la chasse. Ce prince était jeune, beau et admirablement bien fait, lamour de son père et de la reine sa mère, adoré des peuples. On offrit à ce jeune prince une collation champêtre, quil accepta ; puis il se mit à parcourir les basses-cours et tous leurs recoins. En courant ainsi de lieu en lieu, il entra dans une sombre allée, au bout de laquelle il vit une porte fermée. La curiosité lui fit mettre lœil à la serrure ; mais que devint-il, en apercevant la princesse si belle et si richement vêtue, quà son air noble et modeste il la prit pour une divinité ! Limpétuosité du sentiment quil éprouva dans ce moment laurait porté à enfoncer la porte, sans le respect que lui inspira cette ravissante personne.
9. Daprès ce passage lamour cest . Faites le devoir !
Il sortit avec peine de cette allée sombre et obscure, mais ce fut pour sinformer qui était la personne qui demeurait dans cette petite chambre. On lui répondit que cétait une souillon, quon nommait Peau-dÂne, à cause de la peau dont elle shabillait ; et quelle était si sale et si crasseuse, que personne ne la regardait, ni ne lui parlait ; et quon ne lavait prise que par pitié, pour garder les moutons et les dindons.
Le prince, peu satisfait de cet éclaircissement, vit bien que ces gens grossiers nen savaient pas davantage, et quil était inutile de les questionner. Il revint au palais du roi son père, plus amoureux quon ne peut dire, ayant continuellement devant les yeux la belle image de cette divinité quil avait vue par le trou de la serrure. Il se repentit de navoir pas heurté à la porte, et se promit bien de ny pas manquer une autre fois. Mais lagitation de son sang, causée par lardeur de son amour, lui donna, dans la même nuit, une fièvre si terrible, que bientôt il fut réduit à lextrémité. La reine sa mère, qui navait que lui denfant, se désespérait de ce que tous les remèdes étaient inutiles. Elle promettait en vain les plus grandes récompenses aux médecins ; ils y employaient tout leur art, mais rien ne guérissait le prince.
Enfin ils devinèrent quun mortel chagrin causait tout ce ravage ; ils en avertirent la reine, qui, toute pleine de tendresse pour son fils, vint le conjurer de dire la cause de son mal ; et que, quand il sagirait de lui céder la couronne, le roi son père descendrait de son trône sans regret, pour ly faire monter ; que sil désirait quelque princesse, quand même on serait en guerre avec le roi son père, et quon eût de justes sujets pour sen plaindre, on sacrifierait tout pour obtenir ce quil désirait ; mais quelle le conjurait de ne pas se laisser mourir, puisque de sa vie dépendait la leur.
10. Intitulez ce fragment et faites le devoir !
La reine nacheva pas ce touchant discours sans mouiller le visage du prince dun torrent de larmes.
« Madame, lui dit enfin le prince avec une voix très faible, je ne suis pas assez dénaturé pour désirer la couronne de mon père ; plaise au ciel quil vive de longues années, et quil veuille bien que je sois longtemps le plus fidèle et le plus respectueux de ses sujets ! Quant aux princesses que vous moffrez, je nai point encore pensé à me marier ; et vous pensez bien que, soumis comme je le suis à vos volontés, je vous obéirai toujours, quoi quil men coûte. Ah ! mon fils, reprit la reine, rien ne me coûtera pour te sauver la vie ; mais, mon cher fils, sauve la mienne et celle du roi ton père, en me déclarant ce que tu désires, et sois bien assuré quil te sera accordé. Eh bien ! madame, dit-il, puisquil faut vous déclarer ma pensée, je vais vous obéir ; je me ferais un crime de mettre en danger deux êtres qui me sont si chers. Oui, ma mère, je désire que Peau-dÂne me fasse un gâteau, et que, dès quil sera fait, on me lapporte. » La reine, étonnée de ce nom bizarre, demanda qui était cette Peau-dÂne. « Cest, madame, reprit un de ses officiers qui par hasard avait vu cette fille, cest la plus vilaine bête après le loup ; une peau noire, une crasseuse, qui loge dans votre métairie et qui garde vos dindons. Nimporte, dit la reine : mon fils, au retour de la chasse, a peut-être mangé de sa pâtisserie ; cest une fantaisie de malade ; en un mot, je veux que Peau-dÂne (puisque Peau-dÂne il y a) lui fasse promptement un gâteau. »
On courut à la métairie, et lon fit venir Peau-dÂne, pour lui ordonner de faire de son mieux un gâteau pour le prince.
11. Intitulez ce fragment et faites le devoir !
Quelques auteurs ont assuré que Peau-dÂne, au moment que ce prince avait mis lœil à la serrure, les siens lavaient aperçu : et puis, que regardant par sa petite fenêtre, elle avait vu ce prince si jeune, si beau et si bien fait, que lidée lui en était restée, et que souvent ce souvenir lui avait coûté quelques soupirs. Quoi quil en soit, Peau-dÂne layant vu, ou en ayant beaucoup entendu parler avec éloge, ravie de pouvoir trouver un moyen dêtre connue, senferma dans sa chambre, jeta sa vilaine peau, se décrassa le visage et les mains, se coiffa de ses blonds cheveux, mit un beau corset dargent brillant, un jupon pareil, et se mit à faire le gâteau tant désiré : elle prit de la plus pure farine, des œufs et du beurre bien frais. En travaillant, soit de dessein ou autrement, une bague quelle avait au doigt tomba dans la pâte, sy mêla ; et dès que le gâteau fut cuit, saffublant de son horrible peau, elle donna le gâteau à lofficier, à qui elle demanda des nouvelles du prince ; mais cet homme, ne daignant pas lui répondre, courut chez le prince lui porter ce gâteau.
Le prince le prit avidement des mains de cet homme, et le mangea avec une telle vivacité, que les médecins, qui étaient présents, ne manquèrent pas de dire que cette fureur nétait pas un bon signe : effectivement, le prince pensa sétrangler par la bague quil trouva dans un des morceaux du gâteau ; mais il la tira adroitement de sa bouche : et son ardeur à dévorer ce gâteau se ralentit, en examinant cette fine émeraude, montée sur un jonc dor, dont le cercle était si étroit, quil jugea ne pouvoir servir quau plus joli doigt du monde.
12. Lisez ce passage et dites si vous savez déjà comment guérira le prince. Faites le devoir !