Александр Дюма - Les Trois Mousquetaires / Три мушкетера стр 7.

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Arrivé à lescalier, ce fut pis encore : il y avait sur les premières marches quatre mousquetaires qui se divertissaient à lexercice suivant, tandis que dix ou douze de leurs camarades attendaient sur le palier que leur tour vînt de prendre place à la partie.

Un deux, placé sur le degré supérieur, lépée nue à la main, empêchait ou du moins sefforçait dempêcher les trois autres de monter.

Ces trois autres sescrimaient contre lui de leurs épées fort agiles. DArtagnan prit dabord ces fers pour des fleurets descrime, il les crut boutonnés : mais il reconnut bientôt à certaines égratignures que chaque arme, au contraire, était affilée et aiguisée à souhait, et à chacune de ces égratignures, non seulement les spectateurs, mais encore les acteurs riaient comme des fous.

Celui qui occupait le degré en ce moment tenait merveilleusement ses adversaires en respect. On faisait cercle autour deux : la condition portait quà chaque coup le touché quitterait la partie, en perdant son tour daudience au profit du toucheur. En cinq minutes trois furent effleurés, lun au poignet, lautre au menton, lautre à loreille par le défenseur du degré, qui lui-même ne fut pas atteint : adresse qui lui valut, selon les conventions arrêtées, trois tours de faveur.

Si difficile non pas quil fût, mais quil voulût être à étonner, ce passe-temps étonna notre jeune voyageur ; il avait vu dans sa province, cette terre où séchauffent cependant si promptement les têtes, un peu plus de préliminaires aux duels, et la gasconnade de ces quatre joueurs lui parut la plus forte de toutes celles quil avait ouïes jusqualors, même en Gascogne. Il se crut transporté dans ce fameux pays des géants où Gulliver alla depuis et eut si grand-peur ; et cependant il nétait pas au bout : restaient le palier et lantichambre.

Sur le palier on ne se battait plus, on racontait des histoires de femmes, et dans lantichambre des histoires de cour. Sur le palier, dArtagnan rougit ; dans lantichambre, il frissonna. Son imagination éveillée et vagabonde, qui en Gascogne le rendait redoutable aux jeunes femmes de chambre et même quelquefois aux jeunes maîtresses, navait jamais rêvé, même dans ces moments de délire, la moitié de ces merveilles amoureuses et le quart de ces prouesses galantes, rehaussées des noms les plus connus et des détails les moins voilés. Mais si son amour pour les bonnes moeurs fut choqué sur le palier, son respect pour le cardinal fut scandalisé dans lantichambre. Là, à son grand étonnement, dArtagnan entendait critiquer tout haut la politique qui faisait trembler lEurope, et la vie privée du cardinal, que tant de hauts et puissants seigneurs avaient été punis davoir tenté dapprofondir : ce grand homme, révéré par M. dArtagnan père, servait de risée aux mousquetaires de M. de Tréville, qui raillaient ses jambes cagneuses et son dos voûté ; quelques-uns chantaient des Noëls sur Mme dAiguillon, sa maîtresse, et Mme de Combalet, sa nièce, tandis que les autres liaient des parties contre les pages et les gardes du cardinal-duc, toutes choses qui paraissaient à dArtagnan de monstrueuses impossibilités.

Cependant, quand le nom du roi intervenait parfois tout à coup à limproviste au milieu de tous ces quolibets cardinalesques, une espèce de bâillon calfeutrait pour un moment toutes ces bouches moqueuses ; on regardait avec hésitation autour de soi, et lon semblait craindre lindiscrétion de la cloison du cabinet de M. de Tréville ; mais bientôt une allusion ramenait la conversation sur Son Éminence, et alors les éclats reprenaient de plus belle, et la lumière nétait ménagée sur aucune de ses actions.

« Certes, voilà des gens qui vont être embastillés et pendus, pensa dArtagnan avec terreur, et moi sans aucun doute avec eux, car du moment où je les ai écoutés et entendus, je serai tenu pour leur complice. Que dirait monsieur mon père, qui ma si fort recommandé le respect du cardinal, sil me savait dans la société de pareils païens ? »

Aussi comme on sen doute sans que je le dise, dArtagnan nosait se livrer à la conversation ; seulement il regardait de tous ses yeux, écoutant de toutes ses oreilles, tendant avidement ses cinq sens pour ne rien perdre, et malgré sa confiance dans les recommandations paternelles, il se sentait porté par ses goûts et entraîné par ses instincts à louer plutôt quà blâmer les choses inouïes qui se passaient là.

Cependant, comme il était absolument étranger à la foule des courtisans de M. de Tréville, et que cétait la première fois quon lapercevait en ce lieu, on vint lui demander ce quil désirait. À cette demande, dArtagnan se nomma fort humblement, sappuya du titre de compatriote, et pria le valet de chambre qui était venu lui faire cette question de demander pour lui à M. de Tréville un moment daudience, demande que celui-ci promit dun ton protecteur de transmettre en temps et lieu.

DArtagnan, un peu revenu de sa surprise première, eut donc le loisir détudier un peu les costumes et les physionomies.

Au centre du groupe le plus animé était un mousquetaire de grande taille, dune figure hautaine et dune bizarrerie de costume qui attirait sur lui lattention générale. Il ne portait pas, pour le moment, la casaque duniforme, qui, au reste, nétait pas absolument obligatoire dans cette époque de liberté moindre mais dindépendance plus grande, mais un justaucorps bleu de ciel, tant soit peu fané et râpé, et sur cet habit un baudrier magnifique, en broderies dor, et qui reluisait comme les écailles dont leau se couvre au grand soleil. Un manteau long de velours cramoisi tombait avec grâce sur ses épaules découvrant par-devant seulement le splendide baudrier auquel pendait une gigantesque rapière.

Ce mousquetaire venait de descendre de garde à linstant même, se plaignait dêtre enrhumé et toussait de temps en temps avec affectation. Aussi avait-il pris le manteau, à ce quil disait autour de lui, et tandis quil parlait du haut de sa tête, en frisant dédaigneusement sa moustache, on admirait avec enthousiasme le baudrier brodé, et dArtagnan plus que tout autre.

« Que voulez-vous, disait le mousquetaire, la mode en vient ; cest une folie, je le sais bien, mais cest la mode. Dailleurs, il faut bien employer à quelque chose largent de sa légitime.

 Ah ! Porthos ! sécria un des assistants, nessaie pas de nous faire croire que ce baudrier te vient de la générosité paternelle : il taura été donné par la dame voilée avec laquelle je tai rencontré lautre dimanche vers la porte Saint-Honoré.

 Non, sur mon honneur et foi de gentilhomme, je lai acheté moi-même, et de mes propres deniers, répondit celui quon venait de désigner sous le nom de Porthos.

 Oui, comme jai acheté, moi, dit un autre mousquetaire, cette bourse neuve, avec ce que ma maîtresse avait mis dans la vieille.

 Vrai, dit Porthos, et la preuve cest que je lai payé douze pistoles. »

Ladmiration redoubla, quoique le doute continuât dexister.

« Nest-ce pas, Aramis ? » dit Porthos se tournant vers un autre mousquetaire.

Cet autre mousquetaire formait un contraste parfait avec celui qui linterrogeait et qui venait de le désigner sous le nom dAramis : cétait un jeune homme de vingt-deux à vingt-trois ans à peine, à la figure naïve et doucereuse, à loeil noir et doux et aux joues roses et veloutées comme une pêche en automne ; sa moustache fine dessinait sur sa lèvre supérieure une ligne dune rectitude parfaite ; ses mains semblaient craindre de sabaisser, de peur que leurs veines ne se gonflassent, et de temps en temps il se pinçait le bout des oreilles pour les maintenir dun incarnat tendre et transparent. Dhabitude il parlait peu et lentement, saluait beaucoup, riait sans bruit en montrant ses dents, quil avait belles et dont, comme du reste de sa personne, il semblait prendre le plus grand soin. Il répondit par un signe de tête affirmatif à linterpellation de son ami.

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